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Nous évoquions la nouvelle exposition du Château de Versailles. Alexandre Cousin a assisté à son inauguration et nous fait partager par de biais de son article son contenu. (un grand merci à Alexandre Cousin)

Le public peut découvrir la nouvelle exposition du Château de Versailles « 18e, aux sources du design, chefs-d’œuvre du mobilier 1650-1790 ». Moment exceptionnel de recherche et d’innovation, le XVIIIe siècle a connu une véritable révolution dans l’histoire du mobilier français : transformation des formes mais aussi des techniques, des décors et des matériaux.

Mettre en lumière le fruit des réflexions d’artisans, d’architectes, d’ornemanistes (ancêtres des designers) et de marchands-merciers qui font de la création d’un meuble un art à part entière, tel est le propos de cette exposition.

Reflet de l’évolution de la société au XVIIIe siècle, le meuble va peu à peu être pensé en fonction de son usage : sa forme doit satisfaire une recherche de fonctionnalité et de confort. Une importance nouvelle est donnée à trois gestes du quotidien (s’asseoir, s’attabler et ranger) qui font l’objet pour les concepteurs de meubles d’une constante recherche entre harmonie des formes et fonctionnalité.

Dès la seconde moitié du XVIIe siècle et tout au long du siècle suivant, la silhouette des meubles ne cesse de se métamorphoser. De nouveaux meubles apparaissent, comme les consoles, les commodes, les secrétaires en pentes ou à cylindre, et les formes jusqu’alors rigides évoluent vers les courbes et les galbes avant que la droite ne revienne à l’honneur, quelques années avant la Révolution.

L’inventivité des formes concurrence celle des matériaux. Les bois exotiques, le bronze et le laiton, le vernis, la nacre, le laque, la porcelaine, la marqueterie de pierres dures permettent aussi bien de revêtir les meubles d’extraordinaires mosaïques de couleurs que de réduire la gamme colorée aux seuls motifs naturels du matériau pur comme l’acajou.  De plus en plus, les meubles se dotent d’ingénieux mécanismes et systèmes de transformation qui permettent à un meuble de combiner plusieurs usages.

L’incroyable force de création des artisans du siècle des Lumières est évoquée par la présentation de cabinets, tables à écrire, secrétaires, consoles, fauteuils, chaises, bergères, canapés, pliants issus des collections de la famille royale et de l’aristocratie du XVIIIe siècle et portant l’estampille des plus grands artistes tel André-Charles Boulle, Charles Cressent, Bernard II Van Risen Burgh, Jean-François Œben, Jean-Henri Riesener ou encore George Jacob.

L’exposition s’articule en deux parties : tout d’abord l’art de l’ébénisterie met en lumière les meubles présentant différentes techniques de placage et de marqueterie (le placage désigne le fait de recouvrir le bâti d’un meuble avec une autre essence de bois) puis l’art de la menuiserie est évoqué avec les sièges et consoles (dont le bâti de bois est mouluré ou sculpté avant d’être garni et recouvert par le tapissier).

Sortie de l’ensemble mobilier dont elle fait partie et du décor qu’elle compose dans un salon ou un cabinet, chaque pièce est vue comme une œuvre d’art à part entière.

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Bureau à cylindre du roi Louis XV, par Jean-François Oeben et Jean-Henri Riesener, Paris, 1760-1769, bâti de chêne, placage de satiné, d’amarante et de bois de rose, bronze doré, porcelaine, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon, (photo © EPV / RMN-GP / Ch. Fouin)

Remarquable par sa monumentalité et par la finesse de ses tableaux de marqueterie et de ses bronzes, ce bureau est l’un des meubles les plus célèbres de Versailles. Commencé en 1760 par Jean-François Oeben, marqueteur réputé pour ses meubles à mécanismes, il sera livré après neuf années de travail par son disciple Jean Henri Riesener. La forme du bureau à cylindre aurait été créée pour permettre au roi d’écrire et de garder son courrier au secret sans avoir à le ranger.

Un mécanisme complexe permet avec une seule clé d’ouvrir à la fois le cylindre, de débloquer tous les tiroirs et d’accéder aux casiers secrets. Sur les côtés, se trouvent des tiroirs indépendants contenant les écritoires qui peuvent être rechargés sans ouvrir le meuble. Le cylindre ovale est constitué de sept lames articulées. Sa réalisation a nécessité l’intervention de quatorze corps de métier (ébéniste, bronzier, ciseleur, doreur, horloger…). C’est l’un des bureaux les plus aboutis dans sa conception et l’un des plus raffinés dans son exécution.

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Commode réalisée par Jean Henri Riesener, Paris, vers 1785, bâti en chêne, placage (notamment) d’érable et d’amarante, bronze doré, marbre.

Ce type de commode est mis au point par Riesener vers 1770 qui reprend à son compte plusieurs formules élaborées dans l’atelier de son maître Oeben. Le meuble est tout à fait caractéristique de l’art de Riesener : panneau central saillant de forme trapézoïdal et jeu de mosaïques en losanges. Les motifs décoratifs sont aussi propres à Riesener : thème pastoral sur le panneau central et motifs des bronzes. Longtemps favori de la reine Marie-Antoinette, il livra un nombre considérable de meubles au Garde-Meuble de la Couronne avant que la Révolution ne porte un coup fatal à son commerce.

La figure de Marie-Antoinette a naturellement sa place dans l’exposition. Les somptueuses commandes de meubles aux plus grands ébénistes et menuisiers de son temps témoignent de la personnalité et du goût de la reine pour le confort et le luxe.

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Chaise en léger cabriolet à châssis pour l’assise et « courante » par François Toussaint Foliot d’après Jacques Gondoin. Paris, vers 1781, hêtre, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

Cette chaise faisait partie d’un ensemble de huit chaises et huit bergères livré pour meubler le pavillon du Rocher, ou pavillon du Belvédère, dans le jardin anglais de Marie-Antoinette à Trianon dont Richard Mique, architecte favori de la reine, était chargé de l’aménagement.

Gondoin, le concepteur du meuble, a été chargé par le Garde-Meuble d’élaborer un nouveau concept de siège. Une fois le projet validé par la reine, Toussaint Foliot s’est occupé de la menuiserie. L’ensemble des sièges est décrit comme ayant « des bois de forme romaine », les montants du dossier faisant notamment référence aux torchères antiques. Le tissu est un gros de Tours de taffetas blanc, bleu et jaune. Cet ensemble fut l’un des plus coûteux réalisés pour Marie-Antoinette. D’un goût tout nouveau, ces sièges ont influencé toute une génération de menuisiers et d’ornemanistes.

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Commode pour le grand cabinet de Marie-Antoinette à Fontainebleau par Guillaume Benneman, Paris, 1786, acajou, porcelaine, bronze doré, marbre, musée national du château de Fontainebleau.

Cette commode appartient à une paire destinée au grand cabinet de la reine au château de Compiègne mais qui a finalement été affectée au grand cabinet de la reine à Fontainebleau pour lequel il a fallu les adapter. La commode présente un décor de bronze ciselé et doré exubérant et d’un extrême raffinement que l’on retrouve jusque sur les pieds du meuble et dans les cannelures des colonnes d’angle. Au centre, le décor se compose de rinceaux de feuilles, de guirlandes et de rubans entourant un médaillon en porcelaine de Sèvres.

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Détail du « Coffre aux diamants » de Marie-Antoinette, par Ferdinand Schwerdfeger, 1787, bâti en chêne, acajou massif massif et placage d’acajou, ivoire, porcelaine dure de Sèvres, bronze, marbre vert, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.

S’inscrivant dans la tradition des cabinets monumentaux du règne de Louis XIV, ce coffre à bijoux a été commandé et payé par la reine. Particulièrement riche, il s’ouvre sur trois vantaux. Les quatre grandes figures de bronze doré représentant les Saisons ont été modelées par Boizot, tout comme celles de la Force encadrée de la Sagesse et de l’Abondance au sommet du meuble qui, initialement, portaient une couronne royale. Ce coffre était placé dans l’alcôve de la chambre à coucher de la reine jusqu’à la Révolution. La couronne en a alors été retirée et détruite.

L’exposition rassemble ainsi pour la première fois une centaine de pièces majeures de l’histoire du mobilier du XVIIIème siècle qui proviennent du Château de Versailles mais aussi du Château de Fontainebleau, du Musée du Louvre, du musée des Arts Décoratifs, du Getty Museum, et de collections privées.

Le commissariat est assuré par Daniel Alcouffe, conservateur général honoraire, Yves Carlier, conservateur général au musée nationale des châteaux de Versailles et de Trianon, Patrick Hourcade, photographe et designer, Patrick Lemasson, conservateur en chef au Petit Palais et Gérard Mabille, conservateur général honoraire.

L’exposition se tient du mardi 29 octobre 2014 au 22 février 2015 dans les salles d’Afrique et de Crimée du Château de Versailles.

Le visiteur pourra prolonger sa visite avec le catalogue de l’exposition « 18e, aux sources du design, chefs-d’œuvre du mobilier 1650 à 1790 » édité chez Faton, 320 p., 49€.

Photo d’accueil : Commode de Louis XIV à Trianon par André-Charles Boulle, Paris, 1708, bâti de résineux, placage d’ébène, marqueterie d’écaille et le laiton, bronze doré, margre griotte, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © EPV / RMN-GP / Ch. Fouin