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Le 15 juillet 1804, Napoléon Bonaparte, promu empereur des Français par le sénatus-consulte du 15 mai, accrocha la première médaille de la Légion d’Honneur sur la poitrine du premier médaillé. La cérémonie a eu lieu dans la chapelle de l’Hotel des Invalides. Napoléon la voulut fastueuse et elle le fut.  Le premiers récipiendaires, tous civils, furent appelés dans l’ordre alphabétique.

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Première distribution de la Légion d’Honneur en l’Hôtel des Invalides.  Cet ordre fait aujourd’hui partie du paysage et du patrimoine français, comme s’il allait de soi.  Et pourtant pour en arriver à ce premier geste, il avait fallu “batailler”.

Dans la nuit du 4 août 1789 la Constituante a aboli les privilèges de la noblesse et du clergé, dans le désir de promouvoir une société où seule l’égalité de naissance compterait.

Dans le même esprit égalitaire le 30 juillet 1791 l’Assemblée constituante décide de la suppression des ordres de chevalerie anciens.

«Tout ordre de chevalerie, ou autre, toute corporation, toute décoration, tout signe extérieur qui supposedes distinctions de naissance, sont supprimés en France. L’Assemblée se réserve de statuer s’il yaura une décorationnationale unique qui pourra être accordée aux vertus, aux talents, aux services rendus à l’Etat, et néanmoins, en attendant, les militairespourront continuerde porter et de recevoirla décorationmilitaire actuellement existante.

D’après ce texte, les militaire sseuls pouvaient porter et recevoir la décoration à envisager.

Sur la demande de certains, l’Assemblée fit une exception en faveur du roi et du prince royal, et d’eux seuls en décidant qu’ils pourront porter le cordon bleu du Saint-Esprit.

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Ci-dessus, Ordre du Saint-Esprit. Mais le roi ne voulut pas jouir de cette exception et il dit à la députation qui se présenta chez lui le mêmejour « Cette décoration n’avait d’autre but pour moi que de pouvoir la communiquer. Je suis déterminé à quitter le cordon bleu; je vous prie de faire part de ma résolution à l’assemblée.”

Quels étaient les ordres anciens ? L’Ordre du Saint-Esprit, le plus prestigieux de la monarchie française, fut créé par Henri III le 31 décembre 1578.

Selon les statuts de l’Ordre,ses membres doivent être catholiques, d’une noblesse héréditaire remontant au moins à leur arrière-grand-père, et avoir au moins trente-cinq ans. Les princes étrangers au sang de France pouvaient être reçus dès vingt-cinq ans, les princes du sang dès quinze ans et les fils de France le recevaient dès leur baptême.

L’Ordre Royal et Militaire de Saint Louis fut créé par Louis XIV le 5 avril 1693, pour récompenser les officiers valeureux. Contrairement à l’Ordre du Saint-Esprit, il n’était pas nécessaire d’être noble pour en être membre. Il fallait être catholique et avoir servi plus de dix ans comme officier.

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Ci-dessus, l’Ordre de Saint-Louis.  Il fut supprimé le 1er janvier 1791 en étant agrégé à la Décoration Militaire.  Les deux ordres, Saint-Esprit et Saint-Louis, furent abolis par le décret du 30 juillet 1791.

Premiers germes de l’idée d’une nouvelle décoration.

L’article 87 de la constitution dite de l’an VIII, promulguée le 13 décembre 1799,était conçu en ces termes : « II sera décerné des récompenses nationales aux guerriers qui auront rendu desservices éclatants en combattant pour la République.”

Fondations de l’ordre

Un jour, à la fin du mois d’avril 1802, raconte M. Guyot de Fère dans ses Annales de la Légion d’Honneur Bonaparte étant avec son frère Lucien, avec Cambacérès et Lebrun, deuxième et troisième consuls, avec Regnault de Saint-Jean d’Angely, Roederer et quelques-uns de ses plus intimes conseillers, jeta en avant son projet.

Lucien Bonaparte 

Ci-dessus, Lucien Bonaparte.  « La constitution de 91, dit-il, a bien fait de promettre desrécompenses nationales. Il faut tenir sa promesse; cela est grand, noble, utile; il faut créer un ordrequi soit un signe de la vertu, de l’honneur, de l’héroïsme; une distinction qui serve à la fois à la bravoure militaire et au mérite civil.”

Lucien applaudit vivement au projet de son frère, et se chargea de le souteniravec force devant le Corps législatif. Cambacérés ne manqua pas de donner son approbation mais le troisième consul, Lebrun, fut plus scrupuleux.

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Ci-dessus, Cambacérès, Second Consul

– La base de la République, reprit-il, est dans l’égalité en créant des distinctions,vous allez effacer cette garantie dont les Français sont si jaloux; vous allez troubler l’ordre et détruire l’harmonie du nouvel édifice politique. C’est donc dansun esprit de conservation que je crois devoir m’opposer aujourd’hui au rétablissementde ce que nos lois ont proscrit. Toute association politique est contraire à l’essencede notre gouvernement républicain…

-Je vois, dit Bonaparte, des craintes vagues, imaginaires, à côté d’une institutionutile, promise, qui ne rompt votre principe d’égalité qu’en faveur du mérite de servicesrendus à la patrie. Nous supprimerons, s’il le faut, les signes extérieurs, etdes membres jurera de s’opposer au retour des institutions féodales et de maintenirla liberté et l’égalité. “

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Lebrun, Troisième Consul

Les bases du débat étaient posées. Etablir des récompenses à travers un nouvel ordre était-il conforme ou non à l’esprit d’égalité, né de la Révolution française.

Bonaparte ne se laissa émouvoir par aucune des objections qui lui étaientprésentées, et chargea Roederer de lire au Conseil d’Etat, séance du 14 Floréal an X – 4 mai 1802 – le projetd’établissement de la Légion-d’Honneur et en développa lui-même les motifs, après la lecture.

“Le système actuel des récompensesmilitaires, dit le premier Consul, n’est pointrégularisé.L’article 87 de la constitutionassure des récompensesnationales aux militaires; mais il n’y a rien d’organisé… il faut donner une directionà l’esprit de l’armée, et surtout le soutenir. Ce qui le soutient actuellement, c’est cette idée qu’ont les militairesqu’ils occupent la place des ci-devantnobles. Le projet donne plus de consistance au système de récompenses, il forme un ensemble; c’estun commencement d’organisation pour la nation.”

Si le principe d’une décoration nouvelle faisait son chemin, une nouvelle difficulté surgissait. Devait-elle être seulement militaire ? Ne pouvait-on, ne devait-on pas l’attribuer également aux civils.

 Bonaparte Premier Consul

Bonaparte, Premier Consul

Le premier Consul donna un début de réponse :

– Depuis l’invention de la poudre à canon, qui est-ce qui a fait la force d’un général ? Ses qualités civiles,le coup d’oeil, le calcul, l’esprit, les connaissancesadministratives,l’éloquence, non pas celle du jurisconsultemais celle qui convient à la tête des armées, et enfin la connaissance des hommes tout cela est civil.

Ce n’est pas maintenant un homme de cinq pieds dix pouces qui fera de grandes choses. S’il suffisait pourêtre général d’avoir de la force etde la bravoure, chaque soldat pourrait prétendre au commandement. Legénéral qui fait de grandes choses est celui qui réunit les qualités civiles…

Si l’on distinguait les hommes enmilitaireset en civils, on établirait deux ordres, tandis qu’il n’y a qu’une nation. Si l’on ne décernait deshonneursqu’aux militaires, cette préférenceserait encorepire, car dès lors la nation ne serait plus rien.”

Le conseiller d’État Berlier s’opposa ainsi aux arguments du Premier Consul : « L’ordre proposé conduit à l’aristocratie;les croix et les rubans sont les hochets de la monarchie… nous n’avons plus declasses, ne tendons pas à les rétablir. Les magistratureset les emplois doivent être dans la République, la première récompense des services, des talents et des vertus.”

Ce à quoi Bonaparte répondit :  “Je défie qu’onme montreune républiqueancienne on modernedans laquelle il n’y a pas eu de distinctions.On appellecela des hochets; eh bien c’est avec des hochets que l’on menéles hommes… Je ne crois pas quele peuple français aime la liberté et l’égalité .Les Français ne sont point changés par dix ans de révolution… ils n’ont qu’un sentiment, l’honneur. Il faut donc donnerun aliment à ce sentiment-là, il leur faut des distinctions.”

Le projet fut appuyé par le deuxième Consul, qui s’attacha principalement à prouverque la constitution ne réprouvait pas les distinctions. Portalis, à qui nous devons le Code Civil, le soutint aussi, et développales principes de J.-J Rousseau sur l’influence et la nécessité des signes.

Le projet fut discuté dans une autre séance du conseil, à laquelle n’assistait pas le premier Consul. Il présida celle du 24, et dirigea la discussion vers la rédactionet des objets de détails, comme si le fond eût été adopté; il ne le mit point aux voixet proposa tout de suite la question de savoir s’il fallait envoyer le projet au Corps Législatif.

« C’est une loi très importante, dit le conseillerThibaudeau, etun système diamétralementopposé auxprincipes professés pendant la révolution. L’abolitiondes distinctions n’a point eu lieu dans ces temps désastreuxqui jettent tant de défaveur même sur les meilleures choses. C’est l’Assemblée constituante qui l’adécrétéeà une des époques les plus honorables de la révolution. La nation a un sentimentprofond de l’honneur mais ce sentiment même lui a fait par-dessus tout aimer l’égalité. Ce sont ces deux mobiles, combinésavec l’amour de la liberté, de la patrie et de son indépendance, qui donnèrentla victoire aux premières armées de la République.Je ne vois pas qu’avec la Légion-d’Honneur elles eussent fait de plus grands prodiges… Je crains que l’amourdes rubans n’affaiblisse le sentiment du devoir et l’honneur lui-même, an lien de les accroître et de les fortifier”.

Les premie¦Çres croix de Le¦ügionnaires

Les premières croix de légionnaire (1806-1808)

Présenté au Corps législatif, le 25 floréal an X-5 mai 1802 -, par les conseillers d’État Roederer, Marmont et Dumas, le projet de loi offrait encore bien des lacuneset des imperfections mais elles disparurent bientôt, et les améliorations, les développements dont l’institution était susceptible, l’assirent sur de plus larges bases. Aureste, voici ce qui fut arrêté d’abord :  “Une Légion-d’Honneur sera créée pour récompenserles services et les vertus civiles et militaires. Cette Légion sera composée d’un grand conseil d’administrationet de quinze cohortes, dont chacune aura son chef-lieuparticulier. Chaque cohort ejouira d’un revenu de 200,000 francs, constitué en domaines nationaux.

Le grand conseil d’administration sera composé de sept grands-officiers, savoir des trois Consuls, et de quatre autres membres, dont un sera nommé par le Sénat fera partie des membresqui le composent;un par le Corps législatif, parmi les législateurs,un tribun nommé par le Tribunat, et un conseillerd’Etat choisi par le corps dont il fait partie. Ces membres du grand conseil d’administrationsont, pendantleur vie, Grands- officiers de la Légion d’Honneur, dontle premier Consul est le chef.

Les membres de la Légion sont nommés à vie. Chacune des quinze cohortesest composée de sept grands officiers jouissant d’un traitement de 5000 francs, de trente officiers, avec un traitementd e1000 francs, et de trois cent cinquante légionnaires, avec un traitement de 250 francs.

Serment du prince de Salm-Salm

Serment prêté par le prince de Salm-Salm en 1810

Chaque individu admis dans la Légion-d’Honneur doit jurer de se dévouerau service de la République, à la conservation de son territoire, à la défense de son gouvernement, de ses lois, et des propriétés qu’elle a consacrées; de combattre par tous les moyens que la justice, la raison et les lois autorisent, toute entreprise tendant à rétablir le régime féodal, à reproduire les titres et les qualités qui en étaient l’attribut; enfin, concourir de tout son pouvoirau maintien de la liberté et de l’égalité.

La Légion d’Honneur se compose de tous les militaires qui ont reçu des armes d’honneur.

De tous les citoyens quipar leurs vertus, ont contribué à établir ou a défendre les principes de la République, ou fait aimer et respecter la justice ou l’administration publique.

Le grand conseil d’administration nommera les membres de la Légion….

En temps de paix, il faudra avoir vingt-cinq années de service militairepour pouvoir être nommé membre de la Légion d’Honneur. Les années de service en temps de guerre compteront double, et chaque campagnede la guerre dernière compterapour quatre années.

Les grands services rendus à l’Etat dans les fonctions législatives, la diplomatie, l’administration, la justice ou les sciences seront aussi des titres d’admission pourvu que la personne qui les aura rendus ait fait partie de la garde nationale du lieu de son domicile.

 

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Parmentier(1737-1813) , l’homme qui introduisit la pomme de terre, la onzième croix de la Légion d’Honneur à titre civil, en qualité d’Officier.

La première organisation faite, nul ne sera admis dans la Légion qu’il n’ait exercépendant vingt-cinq ans avec la distinction requise.”

Le conseiller d’État Roederer fit suivre la lecture de ce projet de l’exposé des motifsde la loi, éloquent résumé des avantages et des brillants résultats que promettaitl’institution.

“Citoyens législateurs,

La Légiond’Honneurqui vous est proposéedoit êtreune institutionauxiliaire de toutesnos lois républicaines,et servir à l’affermissementde la révolution. Elle paie aux services militaires comme aux services civilsle prix du courage qu’ils ont tous mérité ; elle les confond dansla même gloire, commela nation les confonddanssa reconnaissance.

Elle unit par une distinction communs des hommes déjà unis par d’honorablessouvenirs; elle convie à dedouces affections des hommes qu’une estime réciproque disposait à s’aimer.”

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Benjamin Constant

Le projet de loi, ainsi que l’exposé des motifs, fut accueilli avec faveur par lamajorité de l’Assemblée. Ses dispositions annonçaient à la Légion-d’Honneur untriomphe assuré; mais il ne devait pas en être de même au Tribunat, où elle allai tsubir une difficile épreuve et où l’opinion républicaine comptait encore de nombreux défenseurs. Ils attendaient la discussion du projet de loi pour faire un appel énergique aux souvenirs de la République, et réunir leurs efforts contre une institution qui leur paraissait un retour vers la monarchie. Le Tribunat était une des quatre assemblées composant le corps législatif établi par la Constitution de l’An VIII. Assemblée à composition libérale, qui comptait Benjamin Constant parmi ses membres, elle s’opposa souvent aux projets du Premier Consul.

Après avoir entendu la lecture du projet de loi, le Corps législatif ajourna saséance, pour le jour de la discussion, au 27 floréal; mais elle n’eut lieu que le 29,lorsque le Tribunat, qui s’en occupa le premier, l’eut épuisée par l’organe des différents orateurs qui attaquèrent ou défendirent la proposition du gouvernement.

La séance au Tribunat, où Lucien Bonaparte devait lire ce rapport s’ouvrit le 28 Floréal an X.

Lucien Bonaparte examina le projet de loi sous le double aspect des récompensesmilitaires et des récompenses civiles; il établit que le moment était arrivé d’exécuterl’article 87 dela constitution, envers les guerriers qui s’étaient distinguésen combattantpour la République. Il établit que la Légiond’Honneurne pouvait être un corps privilégié; qu’elle n’était ni alarmante pour la liberté, nicontraire à l’égalité. Il ajouta qu’elle n’attribuait aux légionnaires aucun droit, aucune prérogativemilitaire, civile ni judiciaire et qu’elle consacrait seulement une distinction personnelle,qui n’avait aucun résultat dans l’ordre politique. Le projet s’appliquaitavec une égale justice aux citoyens qui avaient rendu de grands services civils.

Il conclut que, malgré le silence de la constitution, la loi devait récompenser ces service et qu’elle nepouvait le faire plus convenablement qu’en admettant dans la Légion-d’Honneur lesfonctionnaires publics qui s’en seraient montrés dignes.

L’opposition au projet s’exprima en ces termes :

“Il s’agit de l’examen d’une loi qui attaque dans ses fondements la liberté publique.

Quel est le but qu’énonce la loi proposée ? C’est de décerner des récompensesaux militaires et aux fonctionnairespublicsqui auront rendu de grands services a la République.Quel est le moyen qu’elle emploie?C’est d’organiser une Légion d’Honneur qui sera composée de six mille légionnaires à vie, et qui recevra dans son sein successivement,et à mesure des vacances, tous ceux qui ont mérité des distinctions militaires et civiles…

Maintenant j’examinerai ce qu’est véritablement cette Légion j’établirai qu’en la plaçant parmi vous, vous acceptez un patriciatdont la continuelle tendance sera de vous rendre une noblesse héréditaire et militaireque le mélange, dans ce corps, des autorités militaires et civiles, ne fait qu’ajouter aux vices de sacomposition et aux difficultésde l’accueillir. »

La crainte pour l’opposition est donc de voir renaître une société de caste avec des privilégiés que seraient les membres de la Légion d’Honneur. Selon elle, la sacro-sainte Egalité serait en danger.

La Légion-d’Honneur, en effet, ne manque d’aucun des éléments qui ont fondé, parmi tous les peuples, lanoblesse héréditaire, on y trouve des attributions particulières, des pouvoirs, des honneurs, des titres et desrevenus. Il faut remarquer que presque nulle part la noblesse n’a commencé avec autant d’avantages.”

Mais les défenseurs de l’institution ne se laissèrent pas démonter et ils déclarèrent :

La Légion d’Honneur réunit dans la même récompense ceux qui, sur le champ de bataille ou dans lesfonctions civiles, se sont distingués pour la défense de la même cause. Elle met ainsi en rapprochementdes hommes dont l’âme s’est trouvée en harmoniepour la gloire et la liberté. Elle convoque toutes les professions autour de l’autel de la patrie.

Après un long et âpre débat, Lucien Bonaparte conclut qu’il convenait de voter la création de l’Ordre de la légion d’Honneur. Le projet fut voté à la majorité de cinquante voix pour et trente huit contre.

Marmont

Marmont, Conseiller d’Etat à la Guerre

Le lendemain, le 29 Floréal an X ( 19 mai 1802) , le projet fut présenté au Corps Législatif. On peut y résumer la séance par cette phrase du Conseiller d’Etat à la Guerre, Marmont, futur maréchal d’Empire et futur duc de Raguse“La Légion d’Honneur, enfin, créée au moment d‘une paix glorieuse, consacre d’une manière solennelle la reconnaissance nationale envers l’armée qui a honoré et défendu la République et mille fois bien mérité de la Patrie.”

Après de nombreuses interventions, on procéda au vote et le projet fut adopté par une majorité de cent soixante six voix. Cent dix membres du Corps Législatif votèrent contre.

“Au nom du peuple français,

BONAPARTE, premier Consul, proclame loi de la République le décret suivant, rendu par le Corps législatif,le 29 Floréal an X, conformémentà la proposition faite par le gouvernement, le 25 duditmois,communiquéeau Tribunat le 27 suivant.

DÉCRET.

TITRE PREMIER. Création et organisationde la Légion-d’Honneur.

Art. 1er. En exécution de l’article 87 de la constitution, concernant les récompensesmilitaires, etpour récompenser aussi les services et les vertus civiles, il sera formé une Légion d’Honneur…”

 

Croix d'Officier de la Le¦ügion d'Honneur 1806-1808

                                                Croix d’Officier de la Légion d’Honneur (1806-1808)

Ainsi naissait l’ordre, qui malgré de nombreuses critiques, reste encore le plus prestigieux en France et parmi les plus prestigieux dans le monde. Le public accueillit favorablement la création d’une institution, qui malgré les dires de Napoléon et Lucien Bonaparte, remettait en cause le principe égalitaire de la société issue de la Révolution. C’est peut-être ce qu’attendaient les Français, qui élevés sous les fastes de l’Ancien Régime, même s’ils n’en bénéficiaient pas, conservaient une nostalgie pour les récompenses qui mettaient les meilleurs à l’honneur. Une nouvelles aristocratie prenait naissance.

Il fallut ensuite organiser l’institution. Et comme il s’agissait d’une Légion, suivant le modèle romain, on créa des cohortes. Ces cohortes, au nombre de eurent de seize, avaient une assise territoriale, Fontainebleau, Arras, Gand, Saverne, Aix, Chambord etc…avec à leurs têtes, Lannes, Davout, Augereau, Ney, Bernadotte, Masséna, etc…tous futurs maréchaux de l’Empire.

L’ordre fut doté afin d’assurer le versement des traitements qui accompagnaient les nominations.

Napole¦üon Bonaparte

Le Grand Conseil en fut l’organe dirigeant. Les trois consuls, Bonaparte, Cambacérès et Lebrun, en étaient membres. Le Sénateur Lacépède fut nommé Grand Chancelier. Bernard Germain Étienne de Laville-sur-Illon, comte de Lacépède, de vieille noblesse d’Agent, naturaliste de renom, ami de Buffon, avec qui il collabore pour son ouvrage magistral, “L’Histoire Naturelle”, Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, rallié aux idées de la Révolution, puis au Directoire et au Consulat, fut le premier civil à recevoir la Légion d’Honneur. Il resta Grand-Chancelier jusqu’en 1814.

En choisissant Lacépède comme Grand-Chancelier, Bonaparte donne un signe fort. L’ordre ne serait être considéré comme récompensant la seule vertu militaire. Les Sciences y étaient honorées en premier.

Si l’on se réfère à la création de l’ordre, il devait comprendre 6 192 membres, répartis en seize cohortes, chacune de 350 légionnaires, 30 officiers et 7 Grands Officiers. Ce nombre ne devait pas varier car il fallait attendre le décès d’un des membres pour recevoir un nouveau. Tout ceci a évolué au cours du temps.

Le 10 Floréal an XII (30 avril 1804), le Tribun Curée fit la proposition au Tribunat de proclamer le Premier Consul empereur, et de fixer l’hérédité de la couronne dans sa famille. Le 12, les membres du Corps Législatif émirent le même voeu. Le 13, le Tribunal l’adopta à l’unanimité, sauf la voix de Carnot. Le 28, un Sénatus-consulte organique établit le gouvernement impérial.

Après la première cérémonie de remise des médailles aux civils, en l’Hôtel des Invalides, le 15 Juillet 1804, eut la première cérémonie de remise de médailles aux militaires, au Camp de Boulogne le 16 août 1804.

Premie¦Çre attribution militaire de la Le¦ügion d'Honneur

Distribution de la première Légion d’Honneur militaire à Boulogne

A la chute de l’Empire, l’ordre compte environ 35 000 membres vivants, sur 48 000 décorations accordées, au lieu des 6000 prévues à l’origine, portées à 8000 par un décret du 28 mai 1805.Les militaires représentent environ 87% du total.Parmi les civils, soit environ deux milles individus, l’écrasante majorité sera composée de serviteurs de l’Etat : ministres bien sûr, mais aussi membres des assemblées, directeurs des administrations, ambassadeurs, cent cinquante préfets, cent trente-trois maires, etc.

Toutefois, la décoration sera aussi remise à des savants, des médecins, des écrivains, des artistes, des industriels ou manufacturiers.Le 12 mars 1812, Napoléon signe même le brevet du premier ouvrier décoré, Hubert Goffin, un mineur belge qui a sauvé près de soixante-dix de ses camarades lors de l’inondation de leur mine, près de Liège.

Ceux qui craignaient que la Légion d’Honneur ne fut qu’un début pour le rétablissement d’un ordre ancien n’avaient pas tout à fait tort.

Après l’institution de la Légion d’Honneur et de l’Empire fut instituée une nouvelle noblesse héréditaire.

Si l’Empire n’eut pas la vie longue, la Légion d’Honneur traversa l’Histoire jusqu’à nos jours, comme il sera vu dans le seconde partie. (Merci à Cosmo pour cet article)

Les premie¦Çres croix de l'Ordre royal de la Le¦ügion d'Honneur en 1814

Les premières croix de l’Ordre royal de la Légion d’Honneur en 1814