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L’histoire de la place royale du Peyrou de Montpellier commence le 31 octobre 1685 avec le vote des États du Languedoc en faveur de l’érection d’une statue équestre à la gloire de Louis XIV. Plusieurs projets sont envisagés à l’intérieur de la ville, mais aucun n’aboutit.

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Quelques années plus tard, vient enfin la proposition d’érection de la statue équestre sur la colline du Peyrou : « peyrou » signifie « pierreux » en occitan, en raison de son emplacement au sommet de la colline. Une promenade dessinée par l’architecte Daviler y avait été créée en 1689 et la porte royale construite peu après, en 1691.

Les États approuvent ce dernier projet en 1716. La statue équestre transportée depuis Paris et mise en place sur la promenade est inaugurée le 27 février 1718.

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C’est un dessein audacieux car en contradiction totale, sur deux points essentiels, avec l’idée que l’on se fait, au tout début du XVIIIe siècle, d’une place royale : située hors la ville, la promenade du Peyrou s’ouvre très largement sur la campagne environnante. On connaît l’artifice par lequel l’intendant et son cercle écartent la première difficulté : la place sera englobée dans la ville avec le déplacement des fossés et le comblement de ceux qui la séparent de l’arc de triomphe

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Dans la seconde moitié du siècle, les édiles imposent une reconsidération du programme monumental initial et son achèvement en liaison avec l’aqueduc de Saint-Clément, construit entre 1753 et 1764 par l’ingénieur Pitot pour l’approvisionnement en eau de la ville.

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Jean-Antoine Giral et son élève Jacques Donnat réalisent à partir de 1766 la composition architecturale actuelle, exceptionnelle, promue rapidement place Royale du Peyrou.

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La place-promenade prolonge la perspective ouverte par l’Arc de triomphe. Elle se compose de trois terrasses épousant l’élévation de la colline du Peyrou, dont la principale au centre, sert d’écrin à la statue royale.

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Plusieurs sculpteurs ont participé à la décoration du jardin. On remarque en particulier les œuvres de Jean-Antoine Injalbert « les enfants aux lions » qui montent la garde à l’entrée du jardin face à l’Arc de triomphe.

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Les grilles des terrasses latérales sont surmontées de trophées militaires, allusion aux victoires du Roi Soleil et rappel des thèmes décoratifs de l’Arc de triomphe qui leur fait face.

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Les terrasses sont plantées d’arbres créant ainsi des promenades ombragées en contrebas de l’esplanade principale.

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Des escaliers monumentaux utilisent le dénivelé du terrain pour les raccorder à l’esplanade principale.

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La statue de Louis XIV, au centre de l’esplanade supérieure, fut déposée et fondue en canons à Lyon. Pendant la période révolutionnaire, l’esplanade faillit même disparaître, devenant un terrain vague informe, complètement dévasté.

Le 13 octobre 1814 le comte d’Artois, futur Charles X, posa la première pierre symbolique pour le rétablissement d’une statue.

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La statue équestre actuelle fut solennellement érigée en 1828. Elle est l’œuvre des sculpteurs Debay et Carbonneaux.

Le roi est représenté vêtu à l’antique, tel un empereur romain, le front ceint de lauriers. Il porte à bout de bras le sceptre, insigne de sa royauté et de sa puissance. Le bras est tendu vers l’Espagne, évoquant son acceptation officielle du testament de Charles II d’Espagne et la fameuse phrase « Il n’y a plus de Pyrénées » qui lui a été attribuée à cette occasion. Une rumeur tenace à Montpellier affirme que le sculpteur, une fois son œuvre achevée, se serait suicidé en se rendant compte qu’il avait oublié de fournir des étriers au Roi Soleil.

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Les parterres du XVIIIe sont transformés au XIXe siècle avec la plantation d’arbres sur la terrasse haute. Ils recréent de manière végétale l’espace clos voulu pour les places royales.

Mais ils rompent l’ouverture vers l’horizon voulu par Giral : depuis la statue, on pouvait jadis contempler les Cévennes et les Pyrénées.

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La perspective de la place royale se termine avec le château d’eau monumental, œuvre de Giral et Donnat en 1768. Construit à la manière d’un temple antique, il s’élève sur un élégant plan hexagonal sur le point le plus élevé de l’esplanade.

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Soutenues par des colonnes corinthiennes doubles, ses façades sont ornées des symboles allégoriques du Lez et de la Méditerranée dans laquelle il se jette: un mascaron à tête d’homme, personnification du fleuve, des guirlandes de filets de pêches remplies de poissons et de coquillages, un assemblage de cordages, de trident et gouvernail sur un lit de roseaux…

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Le gracieux temple surmonte le réservoir aménagé à l’extrémité de l’aqueduc Saint-Clément, afin de distribuer les eaux de la source du Lez à toutes les fontaines de la ville.

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Il est alimenté par un aqueduc de 14 kilomètres qui se termine par un tronçon spectaculaire, les « Arceaux », hauts de 21,5 mètres et constitués d’une double rangée d’arcades superposées.

Cette partie terminale de l’aqueduc assure la jonction avec le réservoir du Peyrou, à 52 mètres au-dessus du niveau de la mer.

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Grâce aux édits royaux de 1775 et 1779, la hauteur des constructions est limitée aux environs, offrant depuis le Peyrou des vues superbes jusqu’à l’horizon. La volonté royale fut « oubliée » au XIXe siècle lors de l’édification de quelques immeubles mais elle a été remise en vigueur aujourd’hui et l’architecte Ricardo Bofill a dû s’y conformer lorsqu’il fit les plans d’Antigone.

Grâce à ce que l’on appelle « le voile du Peyrou », depuis le belvédère offert par le château d’eau, on peut contempler un panorama à 180 degrés, depuis les Cévennes jusqu’à la Méditerranée.

Tout au long du XVIIIe siècle, la beauté du Peyrou frappe les esprits, comme en témoigne celle d’Arthur Young à la fin du XVIIIe siècle: « …La vue est aussi singulièrement belle. Au sud, l’œil se promène avec délice sur une riche vallée, parsemée de villas et bornée par la mer ; au nord, une série de collines cultivées. D’un côté, la grande chaîne des Pyrénées s’estompe peu à peu dans le lointain; de l’autre, les neiges éternelles des Alpes percent les nuages. Toute la perspective est l’une des plus étonnantes que l’on puisse voir, quand un ciel rapproche ces objets éloignés ». (Merci à Francky pour ce reportage)