Le château de la Punta, ancienne propriété des ducs Pozzo di Borgo, près d’Ajaccio en Corse a eu un drôle de destin. Il « naquit » dans une vie antérieure, au XVIème siècle, en 1570, aux bords de la Seine pour abriter une des reines de France les plus contestées, Catherine de Médicis veuve du roi Henri II, sous la forme du Palais des Tuileries, des oeuvres de Philibert Delorme (vers 1510-1570), architecte principal du palais et de l’architecte Jean Bullant (vers 1515-1578) qui reprit son travail.

La reine Catherine n’y séjourna toutefois jamais, ses fils non plus. Il fallut attendre Henri IV pour que le souverain s’interessât à nouveau au palais puis son petit-fils Louis XIV pour que le Palais connût enfin sa belle symétrie. Le déplacement de la Cour à Versailles le fit à nouveau tomber dans l’oubli ou du moins dans un usage fort peu royal servant à ceux à qui le roi voulait accorder la faveur d’un logement.

Le 6 octobre 1789 le roi Louis XVI, la reine Marie-Antoinette et leurs enfants s’y installèrent et y affrontèrent leur destin terrible. Ce ne fût qu’en 1806 qu’il fut rendu à l’usage du souverain. L’empereur Napoléon Ier s’y installa et après lui les rois Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe et l’empereur Napoléon III.

Une vie de cour fastueuse y fut alors tenu jusqu’à la fin du Second Empire. L’Empire disparu en 1870, le destin du palais fut terrible. Le 23 mai 1871, les communards décidèrent de brûler ce joyau architectural symbole de la monarchie française. Ses murs furent aspergés de pétrole, il fut bourré de fûts pleins de goudron, de thérebentime et autres produits inflammables et on y mit le feu. Il mit trois jours à brûler, emportant dans l’incendie les trésors que tant de monarques y avaient accumulés. En 1883, les murs calcinés furent démolis. Ne restèrent que les deux pavillons, Flore et Marsan.

Le duc Pozzo di Borgo, Jérôme, et son fils Charles rachetèrent alors ce qu’ils purent des pierres sculptées par Philibert Delorme et décidèrent de les faire transporter en Corse afin d’y construire un château, inspiré dans sa forme du pavillon créé par Bullant.

 

Ironie du sort, celui qui redonnait vie à ces pierres qui virent entre autres souverains les deux Napoléon, était le petit neveu de l’un des ennemis les plus acharnés du premier empereur. En effet le comte Charles-André Pozzo di Borgo, à la suite d’une vieille querelle de voisinage et sans doute pour d’autres raisons plus nobles, choisit les Alliés contre l’Empire. Comble du destin, à la chute de Napoléon, il fut nommé ambassadeur de Russie auprès de Louis XVIII.

Rachetées à un certain Achille Picard, qui avait lui-même acheté les ruines du palais pour 33 000 francs (environ 120 000€), les pierres furent numérotées et photographiées, puis expédiées en 185 caisses de Paris à Marseille, en train, puis de Marseille à Ajaccio sur plusieurs bateaux.

Elles furent entreposées pendant trois ans, le temps de permettre l’ouverture de la route conduisant d’Ajaccio à Alata à 700 mètres d’altitude où le château fut réalisé suivant les plans de l’architecte Albert-Franklin Vincent, par maçons ajacciens et charpentiers, couvreurs, menuisiers et sculpteurs venus du continent et de Paris.

 

En 1891, le château était achevé et une petite partie du Palais des Tuileries sauvée. On peut encore lire sur la façade ces mots graves à la demande des propriétaires : « Jérôme Pozzo di Borgo et son fils Charles ont fait construire cet édifice avec des pierres provenant du palais des Tuileries incendié à Paris en 1871, pour conserver à la patrie corse un précieux souvenir de la patrie française : l’an de grâce 1891 ».

 

Il devint alors la résidence d’été des ducs Pozzo di Borgo successifs et connut une vie mondaine intense. Hélas, le destin le rattrapa à nouveau en 1978. Le château de la Punta brûla. Le désastre ne fût pas total car seule la toiture disparut entièrement mais les dégats étaient considérables, planchers, plâtres, boiseries abimés. Les murs tenaient debout mais avec des faiblesses de structure faisant craindre le pire.

Le château fut vendu par les Pozzo di Borgo au département de la Corse du Sud, avec les 40 hectares du domaine, pour la somme de dix millions de francs en 1996. La toiture put alors être reconstituée grâce à un financement conjoint de l’Etat et de la Collectivité territoriale de Corse.

Les murs étaient momentanément sauvés et avec eux leurs prestigieux éléments architecturaux, oeuvres de Philibert Delorme et de Jean Bullant, qui firent pendant plus de trois siècles l’admiration des Parisiens.

 

Le château qui demande maintenant à être restauré et meublé à nouveau ne se visite pas, en dehors de circonstances exceptionnelles, en raison de l’état de délabrement des aménagements intérieurs et de la fragilité des façades. Pour en savoir plus: http://lapunta.pagesperso-orange.fr/ Site de l’Association des Amis du château de la Punta. (Un grand merci à Cosmo pour cet article – Copyright photos : Association des Amis du château de la Punta et P.Germain )