C’est dans un cadre bucolique au coeur des prairies verdoyantes du Vexin français en bordure d’une boucle de la Seine que se dresse l’impossant château de Rosny-sur-Seine (ci-dessus vue de la façade du château du côté de l’avenue d’entrée). Edifié en briques et pierres selon la mode du temps, la demeure fut construite en 1595 par le célèbre ministre de Henri IV, Maximilien de Béthune qui n’était alors que baron de Rosny avant de devenir plus tard le fameux duc de Sully. Mais c’est surtout au début du XIXème siècle que le château de Rosny allait connaître son heure de gloire quand la jeune et charmante Marie Caroline de Naples, duchesse de Berry, vient s’y réfugier après le tragique assassinat de son époux en février 1820.

En 1818, en effet, le jeune couple avait acquis cette prestigieuse demeure qui, après 7 générations de Béthune-Sully, avait ensuite appartenu aux Sénozan puis au comte Joseph-Archambaud de Talleyrand Périgord, frère du célèbre homme politique et enfin à son fils Alexandre-Edmond, duc de Dino, époux de Dorothée de Biron, princesse de Courlande. C’est donc dans ce domaine que la jeune femme voulut d’abord se retirer du monde et se rémémorer les trop rares heures de bonheur conjugal qu’elle y avait vécues.

Son premier souci fut de construire à l’entrée du parc une chapelle pour y faire déposer le coeur de son époux, que par faveur exceptionnelle, le roi Louis XVIII venait de lui accorder. Mais la jeune Marie Caroline voulut que ce lieu de prière soit complété par les vastes bâtiment d’un hospice destiné aux pauvres et aux orphelins pour ainsi perpétuer les vertus de charité du duc, l’ensemble étant placé sous le vocable de Saint Charles Borromée, saint patron du prince.

Dès le printemps 1820, Marie Caroline se prit de passion pour Rosny et transforma totalement la demeure. Après une campagne de restauration des façades et la mise en place de fenêtres à grands carreaux pour mieux assurer la transparence avec les jardins, après l’achèvement des deux ailes laissées inachevées par Sully, l’intérieur de la demeure fut sobrement repeint dans des tons de camaïeux clairs et élégamment garni de meubles en marqueterie de bois clairs ou de style troubadour selon la mode du temps, tandis que les croisées étaient drapées de toile de Jouy donnant ainsi à la demeure l’esprit confortable d’une maison à l’anglaise largement ouverte sur la campagne environnante.

Passionnée de botanique, la duchesse de Berry remodela ensuite le parc dans le goût anglais par des plantations de milliers d’arbres et d’arbustes, et agrémenta les abords de la demeure par une cinquantaine d’orangers, citronniers et grenadiers en caisse qui lui rappelaient son Italie natale. Mais aussi par de nombreuses plantations fleuries et parfumées faites d’oeillets mignardises, renoncules, tulipes odorantes, camélias, anémones, chèvrefeuille ou marguerites aussi bien que lavandes, lilas, taramis ou genets.

Elle peupla également le parc de cerfs, de daims mais aussi de kangourous et de biches naines venues de Chine qui faisaient l’admiration de ses visiteurs et qui vivaient dans de petits enclos que la princesse avait fait construire dans l’esprit des fermes du pays de Caux. C’est dans ce cadre idyllique que fuyant les Tuileries et son protocole, la princesse passera dès lors le plus clair de son temps, vivant le plus souvent en simple robe de cotonnade blanche, à l’image de sa grand tante Marie Antoinette à Trianon en compagnie de ses deux enfants et d’une société d’amis choisis.

Elle y partagea son temps entre sa passion pour la botanique, l’aquarelle, la chasse au lapin, des promenades sur la Seine sur son yacht baptisé « La Louise » du nom de sa fille ou bien des excursions à cheval dans les prairies et forêts du Vexin. Mais cet âge d’or du château trouva sa fin avec la révolution de juillet 1830 qui vit le départ en exil de toute la famille royale. La duchesse de Berry ne devait plus jamais revoir son cher Rosny.

Après avoir été placé sous séquestre par Louis-Philippe, le domaine sombrera alors dans l’oubli, l’ensemble de ses collections (mobilier, tableaux, objets d’art et bibliothèque) fut dispersé au cours des années 1836 et 1837. Vendue à son tour, la demeure fut rachetée en 1840 par le comte Jules Le Marois qui fit aussitôt démolir les deux ailes. Il faudra ettendre 1869 et le rachat du domaine par Gustave Lebaudy, propriétaire de la célèbre raffinerie sucrière du même nom, pour que le château de Rosny retrouve son lustre.  

Ce dernier va s’attacher avec passion à redonner à la demeure toute sa splendeur. Dans le parc, des arbres seront replantés, des allées redessinnées, un jardin de broderies à la française sera aménagé par le célèbre paysagiste Achille Duchêne. Quant aux appartements du château, ils seront restaurés avec soin et remeublés pour partie avec le mobilier historique de la duchesse de Berry patiemment retrouvé au hasard des ventes aux enchères. Ce sera ainsi le cas du grand salon de la princesse (photo ci-dessous). 

Pendant près d’un siècle, cinq générations de Lebaudy vont ainsi se succéer et partager le même amour pour Rosny jusqu’à ce que Jean et Henriette Lebaudy soient contraints de s’en séparer en 1955 y laissant toutefois, par dispositions testamentaires, à perpétuelle demeure l’ensemble du mobilier et des tapisseries historiques qu’ils y avaient rassemblé.

Puis la demeure allait connaître des heures dramatiques avec l’acquisition en 1984 par une société japonaise qui n’hésitera pas à dépouiller le château de l’ensemble de ses collections en les vendant aux enchères en 1993, bafouant ainsi les dispositions testamentraires des Lebaudy.

Vidé de son mobilier et de ses tapisseries, le château souffrit alors pendant de longues années d’une absence totale d’entretien et de surveillance qui allait entraîner dégradations, vols et vandalisme avant d’aboutir à l’incendie de janvier 1997, consécutif sans doute à un squat de jeunes venus de Mantes. Le sinistre ravagera l’ensemble du pavillon du borde et l’eau se propagera jusqu’à la chambre historique d’Henri IV.

Du fait de la défaillance du propriétaire, l’Etat procèdera ensuite à la vente du château. Celui-ci sera alors racheté en 1999 par un homme d’affaires français qui depuis lors fait été de son intention de le restaurer pour l’aménager en château-hôtel de prestige.

Si la toiture a été partiellement refaite et si quelques travaux sont en cours, onze ans après, le pavillon détruit par l’incenie n’est toujours pas restauré… Quant aux intérieurs, ils témoignent d’une désolation totale même si subsistent ça et là queqlues vestiges de l’ancienne décoration de le demeure, comme certains décors polychromes du salon Henri IV ou des boiseries de la chmabre du roi.

Les salons aux murs dépouillés de leurs tentures, tapisseries et dessus-de-portes, aux croisées éventrées, aux cheminées brisées font peine à voir comme en témoigne ci-dessous l’état actuel du grand salon de la duchesse de Berry ou du salon donnant sur la Seine.

Le parc aussi conserve quelques émouvants vestiges comme ces restes d’un des enclos dans lesquels la duchesse de Berry apprivoisait ses biches naines ou des kangourous.

Mais à l’entrée du parc, le souvenir de la princesse demeure toujours présent avec la chapelle de l’hospice Saint Charles, témoignage d’amour éternel d’une jeune veuve pour son époux assassiné.

Souhaitons que bientôt, cette prestigieuse demeure puisse enfin connaître la restauration exemplaire et respectueuse de son passé qu’elle mérite et qu’elle attend depuis si longtemps afin de faire revivre le souvenir de cette princesse si charmante et si atatnche que fut Marie Caroline, duchesse de Berry. (Un grand merci à Neoclassique pour toutes ses recherches – Copyright photos : Collections particulières et DR)