Au cœur du quartier Latin, le Collège des Bernardins est l’un des plus vastes, et plus vieux, bâtiments médiévaux parisiens. Lors de la révolution intellectuelle qui secoua l’Europe au 12e siècle, les monastères cédèrent une place de plus en plus importante aux universités nouvellement créées.

L’Église doit tenir compte de l’émergence des villes et des transformations culturelles profondes qui touchent toute l’Europe. Dans une bulle de 1245, le pape Innocent IV encourage vivement les cisterciens à aller faire des études à Paris, comme le font les dominicains et les franciscains. Au cœur de cette capitale intellectuelle européenne, ils pourront étudier la théologie et les grandes disciplines du savoir humain. Pour continuer à rayonner sur le plan intellectuel, il apparut alors indispensable pour l’église de créer de nouveaux lieux de savoir.

Etienne de Lexington, moine d’origine anglaise, créa ainsi en 1245 , le Collège des Bernardins. La construction commence en 1248 sur un terrain marécageux en bord de Seine, et sur le modèle architectural des abbayes cisterciennes. La vocation de ce Collège était d’accueillir et de former de jeunes moines pour servir de lieu d’étude et de recherche au cœur de la pensée chrétienne.

Le collège des Bernardins se situait à l’intérieur de l’enceinte de Philippe-Auguste, dont la muraille reliait la Seine, à la hauteur du quai de La Tournelle, en filant entre les actuelles rues d’Assas, de Poissy, du Cardinal-Lemoine et des Fossés-Saint-Bernard. Les moines cisterciens accédaient au collège par la rue des Bernardins, après avoir franchi un petit pont enjambant le canal de dérivation de la Bièvre (« Canal des Victorins »), que les chanoines de l’abbaye de Saint-Victor avaient creusé, en 1153, pour alimenter leurs terres.

Ce canal, qui pénétrait à l’intérieur du mur d’enceinte depuis les faubourgs, était une voie navigable employée pour le transport des marchandises. Il longeait l’enclos du collège des Bernardins au niveau de la rue Saint-Victor ; celle-ci menait à la petite paroisse de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Le « Canal des Victorins » se jetait dans la Seine un peu plus loin, selon le tracé de l’actuelle rue de Bièvre.

Au sein du collège des Bernardins, les moines pouvaient vivre selon la règle cistercienne qui imposait d’être séparés du monde. Une première porte voûtée s’ouvrait sur un passage, filant entre les maisons réservées aux domestiques et aux moines convers (non soumis à la règle majeur de l’Ordre), puis jusqu’à une seconde porte, donnant accès à une vaste cour bordée par les bâtiments du collège (le bâtiment des moines, la sacristie, l’église des Bernardins et les différents logis réservés aux abbés et aux hôtes), un potager, des poulaillers…

Prévu pour accueillir simplement quelques étudiants, ce collège formera entre les 13e et 15e siècles des milliers de moines . Pendant plus de quatre siècles, ce lieu de savoir accueillit des jeunes moines et des professeurs venus de toute l’Europe, et contribua au rayonnement intellectuel de la ville et de l’Université de Paris, jusqu’à la Révolution.

Après la réforme, l’activité du Collège des Bernardins ralentit. Peu à peu, une part considérable du domaine primitif est aliénée et des terrains sont donnés à bail pour la construction de maisons individuelles.

À la Révolution, après le départ des élèves et des religieux, le Collège est vendu comme bien national en 1791. L’église, construite en 1338 par le pape Benoît XII, ancien élève et professeur du Collège des Bernardins, dont il ne reste aujourd’hui que la sacristie, est en grande partie démolie par le tracé de la rue de Pontoise (1810) puis lors du percement du boulevard Saint Germain (1859). Le bâtiment principal, resté la propriété de la Ville de Paris, est utilisé à des buts divers. Devenu prison pour les bagnards, il est bientôt utilisé comme entrepôt, puis sert brièvement à nouveau d’école pour les Frères des Écoles chrétiennes, avant d’être, à partir de 1845 et jusqu’en 1995, une caserne de pompiers et enfin un internat pour l’École de police.

En 2001, sous l’impulsion du cardinal Jean-Marie Lustiger, ce bâtiment, classé au titre des Monuments historiques en 1887, est finalement racheté à la ville par le Diocèse de Paris, afin d’y entreprendre un projet culturel audacieux, qui lui redonne vie, dans la fidélité à son origine mais totalement tourné vers la modernité.

En 2008, après une rénovation complète qui dura 6 ans menée par Hervé Baptiste, architecte en chef des monuments historiques pour la partie ancienne et Jean-Michel Wilmotte pour les espaces contemporains, le Collège des Bernardins renoue avec sa vocation initiale en devenant un lieu de recherche et de débat pour l’Église et la société, sur la question de l’homme et de son avenir. Pour la première fois de son histoire, il est ouvert à tous.
Quelques jours après son ouverture, le 12 septembre 2008, le Collège des Bernardins a accueilli le Pape Benoît XVI qui y a prononcé le premier d’une série de discours sur les rapports entre foi et culture contemporaine.

À travers le choix de formes simples et de matériaux nobles, les architectes ont proposé une traduction contemporaine de la sobriété cistercienne. Partout où c’était possible, la lumière naturelle a été favorisée.

Trois portes, situées au centre de la façade occidentale, permettaient de pénétrer dans la grande salle du bâtiment des moines. Cette vaste salle, composée de trois nefs et dix-sept travées, repose sur de hautes et fines colonnettes monolithes. Dotées d’un chapiteau orné de palmettes à galbes, en forme de crosse, elles soutiennent une voûte sur croisées d’ogives. Probablement compartimentée, la grande salle abritait les salles de cours et la salle capitulaire.

La grande nef, longue de 70 mètres, est une salle exceptionnelle de raffinement et de sobriété. De larges fenêtres ogivales, séparées par des contreforts à l’extérieur, percent la façade orientale. Elles étaient autrefois fermées de petits losanges de verre, enchâssés dans des résilles de plomb. Les petits côtés étaient tous deux percés de petits oculi quadrilobés.

Un escalier à vis, appliqué contre le petit côté nord, permettait d’accéder au dortoir, qui se développait au-dessus de la grande salle. Ce lieu destiné au repos, aménagé sous le grand comble, initialement doté d’une remarquable charpente en bois, était éclairé au moyen de fenêtres rectangulaires, et les combles, d’une petite rose à remplages. A l’extrémité sud, un couloir, situé au-dessus de la maison des hôtes, donnait accès aux latrines, qui surplombaient une dérivation du « Canal des Victorins », établie pour recueillir les déjections.

A ses côtés la sacristie, qui accueille des expositions d’art contemporain, est une majestueuse salle de style gothique flamboyant construite au 14e siècle Elle reliait jadis l’église des Bernardins, bâtiment qui a été détruit faute de n’avoir jamais été achevé, à la grande nef. Dressée contre le pignon nord du bâtiment des moines, la sacristie remplaça peut-être la première chapelle du collège. Cette sacristie abritait un reliquaire, qui contenait le crâne de saint Jean-Chrysostome. Au XIVe siècle, le volume de l’édifice était compartimenté en un rez-de-chaussée et un étage ; ce dernier directement aménagé sous les voûtes.

Cette sacristie est divisée en trois travées et éclairée, du côté de la rue de Poissy, par de grandes fenêtres ogivales très aiguës. Un haut comble recouvrait initialement la sacristie. Ce toit aigu laissait apparaître le pignon sud du bâtiment principal du collège, qui était décoré d’un oculus à remplage semblable à celui ornant toujours le pignon opposé. La voûte d’ogives de la sacristie est soutenue par de belles colonnes, dont les nervures aboutissent à des clefs ornées de motifs végétaux, représentant des palmes et des feuilles de chêne entrelacées. D’autres clefs portent des armoiries. Des sujets religieux et symboliques décorent les consoles à la naissance des voûtes.

Dans les combles de la sacristie, un passage menait à un escalier à vis permettant de quitter le dortoir et de rejoindre directement l’église des Bernardins pour les offices de la nuit. Cet escalier était à double révolution de telle manière que deux personnes y montaient et en descendaient sans se voir.

Quant aux autres salles, elles sont accessibles uniquement lors des visites guidées . Vous découvrirez pendant ces visites :  le grand et le petit auditorium, le cellier, des pièces qui cachent des merveilles architecturales comme une rosace cistercienne du 13e siècle et le mur de dérivation de l’ancienne rivière Bièvre ou un escalier autoportant à voûte sarrasin.

Tout au long de l’année le Collège des Bernardins propose des formations, débats, séminaires de recherche et création artistique se répondent. (merci à Guizmo)