Adossé à la cathédrale, le palais archiépiscopal du Tau à Reims servait de résidence au roi très chrétien lorsqu’il venait recevoir l’onction divine du sacre. D’Henri Ier en 1027 à Charles X en 1825, les 31 rois qui furent sacrés dans la cathédrale, logèrent tous au palais. C’est au XIIe siècle que l’antique édifice reçut son nom de palais du Tau en raison du plan en T de la vaste salle où avait lieu le festin royal qui suivait la cérémonie du sacre. A la fin du XVe siècle, le palais fut reconstruit dans un style gothique flamboyant (cf.illustration) dans l’esprit du palais de justice de Rouen par le cardinal Briçonnet.

Puis en 1690, le palais fut à nouveau reconstruit par Robert de Cotte à la demande del’archevêque Charles-Maurice Le Tellier (cf. illustration), frère du ministre Louvois.

L’architecte dota l’édifice, côté jardin d’une façade classique de trois étages percée de hautes fenêtres à meneaux dans le goût classique de l’époque. (cf.illustration)

Cette reconstruction modifia profondément l’allure du palais dont tous les ornements gothiques furent alors supprimés pour céder la place, côté cour, à une façade plus épurée tandis que l’intérieur de la pièce était amputé dans sa longueur. Désaffecté sous la Révolution, l’édifice qui avait perdu ses symboles de « féodalité » fut successivement transformé en prison, puis servit de tribunal et bourse du commerce.

C’est donc un bâtiment fort délabré que trouva en 1824 Armand Polycarpe de La Rochefoucauld, duc de Doudeauville (1765-1841), ministre de la Maison du Roi (cf.illustration) lorsqu’il lui fallut organiser quelques mois plus tard le sacre de Charles X.

Les Menus-Plaisirs durent alors en toute hâte restaurer de fond en comble un bâtiment qui avait non seulement subi les sévices de la Révolution et les dégâts du temps mais qui n’avait pas connu de sacre depuis 51 ans afin d’y accueillir dignement le nouveau souverain et la cour qui devaient y séjourner pendant plusieurs jours.

C’est à l’architecte François Mazoit (1783-1826) (cf.illustration), qui s’était illustré quelques années auparavant avec la restauration de l’église de la Trinité-des-Monts à Rome et celle du site archéologique de Pompéi que fut alors confiée la charge de la remise en état de l’ensemble du palais du Tau contre la somme astronomique de 300 000 francs or.  

Mais il faut dire que la tâche était ardue car il fallait tout refaire : la maçonnerie, la menuiserie, la marbrerie, la vitrerie mais aussi l’ensemble de la décoration des appartements royaux. De plus, le temps était compté car le sacre étant prévu le 29 mai 1825 et les travaux ne démarrant que le 12 février, l’architecte ne disposait que de trois mois et demi. Enfin, la période hivernale étant peu favorable à l’exécution de travaux aussi importants, il fallut utiliser quinze calorifères chauffant jour et nuit en permanence pour faire sécher la maçonnerie et les plâtres. Mais Mazois sut se jouer de toutes ces difficultés et le palais archiépiscopal fut bien prêt quelques jours à peine avant l’arrivée du nouveau roi.

L’appartement du souverain comportait six vastes pièces : une salle des gardes, un salon des huissiers, un salon des nobles, un grand salon de réception, une antichambre et une chambre à coucher. Les tentures des pièces, faites de soies et de velours de couleur jaune, bleue, verte et amarante qu’avaient livrées les manufactures lyonnaises, se détachaient sur des boiseries blanches rehaussées d’or tandis que de riches plafonds à caissons, auxquels étaient suspendus d’importants lustres de cristal et bronze doré, achevaient de donner à l’appartement une impression de somptuosité royale.

Dans le grand salon du roi, garni d’un meuble en acajou de l’ébéniste Marcion (1769-1840) recouvert d’un lampas bleu roi rebrodé d’or qu’avait fourni le garde-meuble royal (cf. illustration), la cheminée en marbre jaune de Sienen était surmontée d’un trumeau coiffé par les grandes armes de France sur fond d’un sceptre et d’une main de justice croisées.

Sur le mur, avait été accroché l’imposant portrait du souverain en manteau du sacre (cf.illustration) que le baron François Gérard (1770-1837) venait d’achever.

Mais la réalisation la plus exceptionnelle était la grande salle du Tau où devait se tenir le banquet qui suivait la cérémonie du sacre. Prolongeant l’extraordinaire décor néo-gothique dont les architectes Jacques Hittorf (1792-1867) et Jean-François Lecointe (1783-1858) avaient habillé tout lintérieur de la cathédrale. (cf.illustration)

Mazois avait choisi de redonner à cette immense pièce de 30 m de long et 14m de large tout son lustre originel. Il commença par lui restituer son volume en dégageant les poutres qui avaient été cloisonnées depuis le XVIIIe, redécouvrant aisni une voûte en carène de vaisseau culminant à près de 11m de hauteur. Tout le décor de la pièce fut refait dans ce goût « à la gothique » qui triomphait alors et qui, fort opportunément, trouvait tout son sens dans la pièce.

Les murs furent tendus de damas de soie fleurdelysée servant d’écrin à quatorze portraits en pied signés du peintre Nicolas Gosse (1787-1878) et représentant les pricnipaux souverins français depuis Clovis jusqu’à Charles X, en passant par Saint Louis et François 1er (cf.illustration)

Au-dessus de la corniche qui faisait le tour de la pièce, le peintre Pierre-Luc Ciceri (1782-1868) avait représent dans une fine dentelle d’arcatures gothiques dorées, les médaillons de 16 plus fameux archevêques de la métropole. Au fond de la salle encadrée par le sportraits de Clovis et Chilpéric, la monumentale cheminée du XVe siècle, sur le manteau de laquelle avait été apposé le chiffre du souverain, avait retrouvé tout son éclat. (cf.illustration)

Enfin, vingt-cinq imposants lustres de cristal et bronze doré, oeuvre du célèbre bronzier Jean-Jacques Feuchères (1807-1852), furent suspendus achevant ainsi de donner à la pièce toute sa dimension royale. Dès lors, la salle fut rebaptisée « salle des Rois« . (Un grand merci à Néoclassique pour ses recherches et cet article – La suite demain)