C’est dans cette salle des Rois somptueusement décorée qu’eut lieu le 29 mai 1825 le festin royal qui suivait la longue cérémonie du sacre de Charles X. Dans le fond, sur une estrade surmontée d’un dais, prirent place le roi et les pairs laïcs tandis qu’à gauche, s’assirent les grands officiers de la couronne et les ambassadeurs et à droite, les ministres et les députés. Au fond de la salle enfin, la table des pairs ecclésiastiques et prélats complétait l’assemblée. Tous les convives qui participaient à ce festin servi dans une vaisselle plate en vermeil que la Maison du Roi avait fait venir des Tuileries, étaient couverts, le roi et les pairs couronnés, les évêques portant leurs mitres et les dignitaires coiffés de leurs chapeaux à plumes. Enfin, d’une tribune surélevée dressée dans l’angle droit de la pièce, les princesses de la famille royale admiraient le spectacle. (cf.illustration ci-dessus).

Pendant les jours qui suivirent, le roi et la famille royale assistèrent au chapitre des chevliers du Saint Empire, au cours duquel le collier de l’ordre fut notamment attribué au vicomte de Chateaubriand, au duc Decazes ou au prince de Tayllerand. (cf. illustration).

Puis Charles X se rendit à l’hôpital Saint Marcoul, visita la basilique Saint Remi et se rendit au bazar de Reims. Le dernier jour, le roi, accompagné du dauphin, assista à une grande parade militaire. Le 2 juin, toute la maison royale quittait Reims après quatre jours de festivités.

Cinq ans plus tard, la monarchie légitime était destituée par Louis-Philippe qui se fit, non pas sacrer roi de France devant Dieu, mais simplement proclamer roi des Français devant les chambres. La monarchie légitime avait vécu. Reims ne devait dès lors plus jamais connaître la solennité des sacres.

Le Palais du Tau resta ainsi figé dans les décors qui avaient vu  le sacre du dernier roi de France. Si les regalia firent retour à Paris, toute l’orfèvrerie liturgique créée spécialement par l’orfèvre Jean-Charles Cahier demeura dans la sacristie et fut alors conservée dans des armoires vitrées. (cf.illustration)

De même, l’ensemble des costumes portés par le souverain, les princes, les pairs et autres grands-officiers furent présentés dans des armoires vitrées. (cf.illustration)

En 1905, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat expulsa l’archevêché du palais du Tau et les apaprtements royaux, qui étaient restés en l’état, devinrent alors un musée comme en témoigne cette vue du salon du roi réaménagé. (cf.illustration)

La Première Guerre Mondiale allait être fatale à la ville de Reims. Dès les premières semaines du conflit, sur ordre express de l’empereur Guillaume II, la cité royale devint la proie privilégiée des bombardements allemands du fait de la dimension symbolique qu’avait la cathédrale du sacre. Le 19 septembre 1914, un déluge de bombes s’abattit sur le sanctuaire et le palais du Tau. S’en suivit un incendie qui détruisit l’ensemble des bâtiments. Le lendemain, ne subsistaient que des ruines calcinées ainsi qu’en témoigne cette édifiante photo (cf. illustration) montrant l’étendue des dégâts survenus sur le palais,

ou celle-ci montrant la salle des Rois éventrée (cf. illustration)

ou bien encore celle-ci montrant les restes de l’ancien logis royal (cf.illustration)

A la fin du conflit, vint le temps de la réconciliation. La priorité des efforts de l’état étant consacrée à la restauration de la cathédrale qui allait durer près de quatante ans, le palais du Tau allait ainsi rester en état jusuq’à la fin de la seconde guerre mondiale. Ce n’est qu’en 1950 que débuteront les importats  travaux de réparation de l’édifce. La façade sera alors sobrement restaurée dans un style proche de son état d’origine, dans un gothique toutefois plus épuré. (cf.illustration).

Mais, du fait de l’état des lieux, il sera décidé de ne pas restaurer la salle des Rois telle qu’elle était lors du sacre de Charles X mais de lui restituer son état datant de la fin du XVe siècle. Ce n’est qu’en 1963, après vingt-trois ans de travaux que fut inaugurée la nouvelle salle du Tau. La voute en carène supportée par neuf poutres de chêne sculpté fut intégralement restituée tandis que les murs étaient recouverts de tentures murales fleurdelisées sur lesquels deux immenses tapisseries figurant baptêm de Clovis. (cf.illustration)

De même, la monumentale cheminée de pierre retrouva son décor à semis de fleur-de-lys avec, au centre, les grandes armes de France en lieu et place du monogramme de Charles X.

En revanche, la façade sur jardin du XVIIe conçue par Monseigneur Le Tellier, était elle restaurée à l’identique. (cf.illustration

Derrière la salle du Tau, deux chambres fortes furent aménagées pour abriter notamment le précieux trésor provenant du sacre de Charles X. (cf.illustration)

Malheureusement, un important vol, survenu en 1956 dans la sacristie où était alors entreposé le dit-trésor, avait vu disparaître la couronne en vermeil du dauphin, le dais de procession ainsi que de nombreux costumes et dalmatiques de drap d’or ayant servi lors de la cérémonie. Il faut également rappeler que la couronne de Charles X (cf. illustration)

chef-oeuvre que l’orfèvre Evrard Bapst (1771-1842), qui, dépouillé des pierres diamants et saphirs de la Couronne qui l’ornaient, était depuis lors conservée dans les caves du ministère des Finances, avait déjà, elle été sacrifiée sur l’autel du sectarisme laïc et républicain de la fin du XIXe siècle. En effet, plutôt que d’être restituée au fils d’Evrard Bapst qui souhaitait pouvoir la racheter, elle fut volontairement brisée, lors de la célèbre vente des Diamants de la Couronne organisée en 1887 par la 3e république sous l’impulsion de Jules Grévy, afin que disparaisse ce symbole emblématique de la monarchie dans le but d’écarter à jamais tout espoir de restauration.

Enfin dans les anciens appartements du roi, a été aménagée une vaste pièce, dite salle Charles X qui présente le manteau royal (cf.illustration), celui du dauphin, les tablards des hérauts d’armes ainsi que les panneaux aux armes de France provenant de la voiture du sacre qui fut modifiée par Napoléon III lors du bapême du prince impérial.

Peu de choses subsistent donc aujourd’hui au palais du Tau pour évoquer ce que fut le somptueux sacre du dernier roi de France. Mais il semblerait qu’une campagne de récolement des collections nationales ait récemment permis de retrouver la trace de 14 portraits en pied des rois de France provenant de la grande salle du Tau. On se plaît à penser que, si la nouvelle se confirme, cette collection puisse faire retour vers le palais du Tau afin de redonner tout son sens à ce lieu si emblématique de la monarchie des rois très chrétiens. (Merci à Néoclassique pour ses recherches et son texte)