A la suite de son abdication, le 22 juin 1815, Napoléon quitte le château de Malmaison le 29 juin. Il prend la route incognito pour Rochefort où l’attendent deux frégates, dans l’espoir de rejoindre les États-Unis. Mais les Britanniques alertés, plusieurs corvettes anglaises sont dépêchées dans le pertuis d’Antioche et contraignent Napoléon à négocier.

C’est donc sur l’île d’Aix que l’empereur déchu est obligé de s’arrêter, du 12 au 15 juillet 1815, pour ce qui sera son dernier séjour en terre française. Installé dans la maison du commandant de la place, l’Empereur y passe les jours les plus sombres de son existence, dans l’attente de la décision des Anglais.

Ci-dessus, maison de l’empereur d’après une aquarelle sur papier de J.Feisthamel, 1834. Ironie de l’histoire, c’est lui même qui en avait ordonné la construction après une inspection dans l’île, le 5 avril 1808. En effet, dès 1801, Napoléon s’intéresse aux fortifications de l’île d’Aix. Afin de renforcer le système de défense du pertuis d’Antioche, il fait jeter les plans du célèbre Fort Boyard, et en avril 1808, s’intéresse de plus près à l’île. Outre la maison, il fait construire une poudrière et le fort Liédot.

La maison du commandant est la plus importante de l’île. Elle est surmontée d’un attique percé de lucarnes en demi-cercles et s’ouvre par un péristyle de colonnes doriques. Le fronton et l’aigle qui la surmontent ont été ajoutés sous le Second Empire. On peut y lire cette inscription : « A la mémoire de notre immortel Empereur Napoléon Ier, 15 juillet 1815. Tout fut sublime en lui : sa gloire, ses revers. Et son nom respecté plane sur l’univers ».

La maison s’ouvre à l’arrière sur un jardin fermé comme la plupart des jardins de l’île. On y admire toujours un frêne qui fut greffé sur un ormeau par l’Empereur, lors de son inspection des travaux des fortifications, en 1808. Le prince Joseph est venu y voir son frère dans la journée du 13 juillet.

La chambre à coucher de l’Empereur, au premier étage, donne sur le jardin. Elle a été réaménagée sous le Second Empire, par la volonté de Napoléon III, car son état s’était délabré. Des vestiges de tapisseries et des morceaux de tentures de l’époque ont été retrouvés, et la chambre impériale connaît actuellement une complète restauration pour lui redonner son aspect d’origine. C’est ici que Napoléon écrivit la lettre par laquelle il se rendit au prince-régent d’Angleterre: « Altesse royale, en butte aux factions qui divisent mon pays et à l’inimitié des plus grandes puissances de l’Europe, j’ai consommé une carrière politique, et je viens, comme Thémistocle, m’asseoir au foyer du peuple Britannique. Je me mets sous la protection de ses lois que je réclame de votre altesse royale comme du plus puissant, du plus constant et du plus généreux de mes ennemis. Ile d’Aix, 13 juillet 1815. Napoléon ».

La chambre ouvre sur une pièce qui lui servait de bureau. Là, il pouvait suivre, depuis le balcon, les évolutions de la flotte anglaise. Le 15 juillet au matin, il quitte l’île d’Aix, monte sur le pont du navire anglais Bellérophon, n’imaginant pas un seul instant que les Anglais le considéreraient prisonnier de guerre, ni qu’ils l’enverraient en exil sur une autre petite île perdue au milieu de l’Atlantique Sud… Sainte-Hélène.

La chambre voisine conserve le lit que le général baron Gourgaud, aide de camp de l’empereur, utilisa à Longwood, durant les années où il partagea l’exil de Napoléon à Sainte-Hélène, entre 1815 et 1818. On y voit d’ailleurs une gravure de la mort de l’empereur le 5 mai 1821.

La maison est achetée en 1926 par le baron Napoléon Gourgaud, arrière petit-fils du général Gaspard Gourgaud, compagnon de Napoléon à Sainte-Hélène. Elle rassemble les collections du baron Gourgaud. Grâce à la fortune de sa femme, la riche américaine Eva Gebhard (1886-1959), Napoléon Gourgaud peut acquérir de nombreux souvenirs historiques auxquels il joint les dons qu’il suscite auprès de ses amis, dont beaucoup appartenaient à la noblesse d’Empire. Il ouvre son musée napoléonien dans la maison de l’Empereur dès 1928 et en fait don à l’État en 1933, sous réserve d’usufruit. A sa mort, en 1944, sa veuve poursuit son œuvre et lorsqu’elle décède en 1959, le musée est rattaché au musée national de Malmaison.

Le musée comporte une dizaine de salles consacrées au souvenir du général Gourgaud, au Consulat, à la famille impériale, à l’histoire de l’Empire du sacre à Waterloo, à l’île d’Aix et à Sainte-Hélène, au Retour des Cendres et, enfin, à la Légende napoléonienne. La pendule en bronze doré de la chambre de Napoléon est classée monument historique, mais rien ne prouve qu’elle faisait partie du mobilier de la maison en 1815.

Parmi les nombreux tableaux rassemblés, figure un portrait de Napoléon, Roi d’Italie, exécuté par Appiani. C’est un portrait en « petit habillement » de cérémonie, porté lors du couronnement à Milan en 1805. Napoléon porte la couronne de laurier d’empereur des Français. Il pose la main sur la couronne fermée de roi d’Italie achetée au bijoutier parisien Marguerite (Milan, musée du Risorgimento) et porte collier, plaque et cordon de la Légion d’honneur. Sont absents la couronne de fer des rois Lombards et les insignes de l’ordre de ce nom fondé après le couronnement.

Le musée comporte une intéressante collection de pendules illustrant les grands évènements du règne. La pendule allégorique de la naissance du Roi de Rome est due à l’horloger parisien Granvoinnet, entre 1806 et 1820. Toutes sont arrêtées à la même heure: dix-sept heures quarante-neuf, celle à laquelle Napoléon expira, le 5 mai 1821, à l’âge de 51 ans.

Face à la maison, dans la rue Napoléon, le musée Africain-fondation Gourgaud rassemble les collections de chasses africaines du baron Gourgaud. On peut y voir le dromadaire d’Arabie monté par le général Bonaparte pendant la campagne d’Egypte. Il fut ramené vivant en France et mourut au jardin zoologique de Paris, où il fut naturalisé et conservé jusqu’en 1933. (Un grand merci à Francky pour le reportage)