Sortie du livre “Henri III, le roi décrié”. Voici la note de l’éditeur : Le samedi 19 septembre 1551, le tout-puissant connétable de Montmorency en avise les gouverneurs de province : «cette nuit passée, la reine est accouchée d’un beau-fils, lequel et la mère sont en bonne santé, Dieu merci». Prénommé Alexandre-Édouard et titré duc d’Angoulême, le nouveau-né n’est pas destiné à coiffer un jour la couronne. Car le roi Henri II et son épouse, Catherine de Médicis, ont déjà deux garçons : le dauphin François, né en 1544 (futur roi François II) et le duc d’Orléans, Charles-Maximilien, né en 1550 (futur roi Charles IX). Ils ont aussi deux filles, Elisabeth, née en 1545 (elle sera reine d’Espagne), et Claude, née en 1547 (elle deviendra duchesse de Lorraine). La famille s’agrandira encore de Marguerite en 1553 et d’Hercule en 1554. La première, plus connue sous le nom de Margot, sera la très infidèle épouse du futur Henri IV. Le second, appelé finalement François d’Anjou, créera les pires ennuis à son frère Alexandre devenu le roi Henri III.

À l’exception de Marguerite qui, ayant hérité de la robustesse de sa mère, mourra sexagénaire, aucun de ces enfants, marqués à des degrés divers par la tuberculose, ne jouira d’une santé florissante. François, Charles et Hercule mourront de cette maladie. Tous présenteront d’évidents symptômes de déséquilibre psychique et nerveux.

Selon la formule de Biaise de Monluc, Alexandre-Édouard est «sorti de la plus grande race qui soit au monde». Il voit en effet le jour au sein d’un lignage élu de Dieu, celui des Valois qui occupe le trône de France depuis 1328, date à laquelle Philippe VI a succédé à Charles IV, le dernier des Capétiens directs. Son père Henri II porte, seul en Europe, le titre de Roi Très Chrétien. Descendant de saint Louis, sacré dans la cathédrale de Reims au début de son règne, il est l’oint du Seigneur comme les rois hébreux de l’Ancien Testament. De ce fait, il jouit d’un prestige immense, quasi religieux. Les onctions que l’archevêque a pratiquées en sept endroits de son corps (la tête, la poitrine, le dos, les deux épaules et la saignée de chaque bras) ont fait de lui presque un prêtre, lieutenant de Dieu sur la terre, député pour faire régner Sa volonté parmi les hommes. Médiateur de la puissance divine, il est un thaumaturge qui guérit par attouchement les scrofuleux, malades atteints d’une inflammation des ganglions du cou, l’adénite tuberculeuse qu’on appelait alors les écrouelles. En 1556 par exemple, le 24 juin, jour de la fête de saint Jean-Baptiste, ses enfants, séjournant à Fontainebleau, peuvent voir Henri II accomplir ce rite monarchique. L’habitude s’est prise, dans le pays, de comparer le souverain au Christ, au Bon Pasteur qui conduit ses sujets sur le chemin du salut éternel : ne jure-t-il pas, au serment qui accompagne le sacre, d’«exterminer» les hérétiques qui pourraient compromettre ce salut, c’est-à-dire, au sens étymologique du mot, de les chasser du royaume ? Dès avant le règne du grand-père d’Alexandre-Édouard, François Ier, les Français entouraient la fonction royale d’une véritable vénération. Depuis François Ier, cette vénération s’applique à la personne même du monarque que l’on appelle Sa Majesté ; la race des Valois se trouve ainsi sacralisée. Beaucoup s’imaginent que le sang royal est pur, que le sang royal est saint et que ceux dans les veines de qui il coule se distinguent nécessairement du commun des mortels par des vertus surhumaines. » (Merci à Anne P.)

“Henri III, le roi décrié”, Michel Pernot, Editions de Fallois, 2013, 477 p.