Il y a des princes qui restent dans l’Histoire en tant que « fils de », « frère de », « père de ». C’est le cas du prince Philippe de France dit Philippe d’Orléans (1640 – 1701), fils du roi Louis XIII, frère du roi Louis XIV, père du régent Philippe sous le règne du roi Louis XV, père de Marie Louise devenue reine d’Espagne par mariage ou encore grand-père de Marie Adelaïde, dauphine de France.

Et pourtant, « Monsieur » comme on l’a appelé tout au long de sa vie, était doté d’une personnalité certes complexe mais s’est avéré être un militaire efficace même si ce n’était pas sa première ambition, un homme ayant le goût du beau et cultivé.

Louis XIII est marié depuis 22 ans avec Anne d’Autriche. Un soir en revenant d’une chasse et en raison des mauvaises conditions météorologiques, il est contraint de faire halte au Louvre où vit la reine. Leur premier fils Louis (futur Roi Soleil) voit le jour 9 mois plus tard. Rebelotte deux ans plus tard avec la naissance de Philippe. Les princes n’ont que 4 et 2 ans lorsque leur père décède.

Anne d’Autriche assure la régence et doit faire face à divers complots et tentative de renversement du trône de son fils Louis. Il en résulte une union peu commune entre la mère et les deux frères, soudés à jamais. Une réelle affection qui les liera jusqu’à leur mort.

Lorsqu’Anne d’Autriche agonise en 1666, ses fils se relaient à son chevet. Le roi Louis XIV dormant même sur une paillasse à ses côtés.

La relation entre Louis XIV et son frère Philippe est identique. Jamais Monsieur ne contredit son frère, il se fie à ses décisions qu’il accepte. Point de jalousie ou de rivalité entre eux, chacun connaît sa place. Certes, il y aura ici et là des bisbilles et des tensions quant aux apanages et mariages des enfants de Philippe mais cela n’altère pas la relation entre les frères.

Sa titulature complète est duc d’Anjou (à sa naissance) puis duc d’Orléans, de Chartres, de Valois, de Montpensier, de Nemours, de Châtellerault, prince de Joinville, comte de Dourdan, de Romorantin, de Bar sur Seine, de Mortain, vicomte de Domfort et d’Auge, marquis de Coucy et de Folembray, baron de Beaujolais et seigneur de Montargis. 

Il épouse en premières noces Henriette Anne Stuart avec qui il a trois enfants. Un mariage souhaité par Louis XIV qui ne fut pas heureux. Henriette-Anne fille du roi Charles I et sœur du roi Jacques II d’Angleterre, ne se privant pas d’écrire tout le mal qu’elle pensait de son époux.

Philippe, duc d’Orléans, ne jouit en effet pas d’une bonne image de prime abord. Son homosexualité affichée (ce qui n’était pourtant pas rare à cette époque à la Cour) a fortement contribué à noircir son image sous la plume de sa première épouse ou encore d’un Saint Simon.

Remarié avec Elisabeth-Charlotte de Bavière dite la Palatine, il connaît là une union convenue plus harmonieuse mais ponctuée de bouderies nécessitant l’intervention de Louis XIV lui-même toujours soucieux de l’apparente harmonie familiale.

Père de 11 enfants, il voit sa fille Marie Louise dépérir à la Cour d’Espagne où elle décède à l’âge de 26 ans, il a la joie de revoir à Versailles sa petite-fille Marie Adelaïde qui a épousé le Dauphin et sa fierté son fils Philippe de Chartres qui a tous les atouts pour être un monarque. Louis XIV soucieux de légitimer ses enfants nés de ses relations avec ses favorites, fait épouser par Philippe de Chartres sa fille Mademoiselle de Blois. Philippe accepte la requête de son frère.

Le duc d’Orléans a consacré son énergie et une partie de son importante fortune à l’embellissement et à la grandeur du château de Saint Cloud détruit en 1870 lors de la guerre avec la Prusse.

Il s’éteint en 1701 soit 14 ans avant son frère qui en demeure inconsolable, pleurant des jours entiers y compris lors de ses repas pris en public à Versailles. Le vide laissé par Monsieur fut bien grand.

La biographie fouillée d’Elisabetta Lurgo, docteur en Histoire, permet de restituer la voix de ce grand mécène grâce à des extraits de correspondances et extraits de mémoires de ses contemporains.

« Philippe d’Orléans. Frère de Louis XIV », Elisabetta Lurgo, Perrin, 2018, 400 p.