Le récent mariage entre deux héritiers de dynasties grecques du cercle fermé mais très argenté des résidents londoniens de la diaspora grecque a mis en lumières à nouveau ce phénomène d’expatriation massive auquel le magazine Tatler consacrait un article il y a quelques mois. Certes, Londres a accueilli des Grecs riches depuis des décennies. Le roi George II vivait à l’hôtel Brown pendant son exil dans les années 30 et pendant la Seconde Guerre mondiale.

Il n’hésitait pas à plaisanter en lâchant : «L’outil le plus important pour un roi de Grèce est une valise». Son neveu, le roi Constantin a vécu dans une maison surplombant Hampstead Heath du début des années 70 jusqu’en 2013, quand avec son épouse la reine Anne-Marie, ils sont retournés vivre à Athènes.

Si leur second fils, le prince Nicolas a fait le chemin inverse puisqu’après avoir vécu et travaillé à Londres, il est maintenant à Athènes avec sa femme Tatiana, qui travailla pour la styliste Diane von Furstenberg, qu’il a épousée sur l’île de Spetses en 2010, leur fils aîné  le prince héritier Paul, vit toujours à Chelsea avec sa femme, Marie-Chantal, et leurs enfants, fréquentant la communauté aussi bien à Londres que lors de leurs séjours estivaux « au pays ».

Mais comme pour beaucoup d’autres communautés riches – Russes, Arabes du Golfe, Nigérians – Londres est «the place to be» pour les affaires, pour la loi, pour le système éducatif et pour la sécurité.

Depuis 2010, après que l’ampleur de la dette de la Grèce ait été révélée et que la zone euro ait commencé à discuter des options de sauvetage, l’argent hellénique a été transféré dans ce pays à un rythme sans précédent. Certains disent que 10 milliards d’euros ont été retirés de la Grèce depuis lors, d’autres ont mis la barre à 20 milliards d’euros (14 milliards de livres sterling). De toute façon, beaucoup de liquidités ont quitté le pays et beaucoup d’entre elles sont arrivées à Londres, les Grecs craignant que la Grèce ne revienne à la drachme, dévaluant l’épargne ou que le gouvernement prenne les réserves de trésorerie.

En 2010 et 2011, les Grecs ont été les plus grands acheteurs de biens après les Russes et les Arabes. À l’époque, c’était des maisons et des appartements de Marylebone jusqu’à Mayfair. Il y a eu une «invasion» de Grecs à Eaton Square, mais en général Belgravia est moins populaire – ‘parce qu’il n’y a pas beaucoup de culture de café là’, dit Panos Koutsogiannakis, un courtier immobilier basé à Londres qui est devenu le go-to man pour les Grecs qui cherchent à investir en Grande-Bretagne. «En ce moment, ils achètent plus de propriétés commerciales et d’hôtels»

Pour diverses raisons, la riche communauté grecque à Londres est un groupe discret. En vertu des propositions annoncées par George Osborne en juillet dernier, tous ceux qui ont vécu en Grande-Bretagne depuis moins de 15-20 ans verront leur statut modifié l’année prochaine. Cela signifie que ceux qui ont vécu au Royaume-Uni, mais en évitant de payer toute taxe sur les revenus à l’étranger devront commencer à rendre des comptes au fisc.

Des temps difficiles s’annoncent donc pour les personnes impliquées dans des entreprises internationales comme le transport maritime , qui peuvent gagner la majeure partie de leurs revenus en dehors de la Grande-Bretagne… ¨Par deux fois dans le passé, des premiers ministres britanniques ont tenté de débattre du sujet mais la pression des armateurs les a contraints à reculer. Lorsque John Major envisageait de supprimer le statut de non-dom il y a deux décennies, des Grecs lui ont rendu visite à Downing Street et ont discuté. De même, lorsque Gordon Brown a lancé l’idée au début des années 2000, John Prescott a discrètement souligné combien la communauté maritime pesait à Londres en termes commerciaux et Brown a facilement laissé tomber la question.

Une annonce tranquille récemment faite par le gouvernement grec est une autre explication  pour ce goût du secret. En octobre dernier, Tryfon Alexiadis, vice-ministre grec des Finances, a révélé que HM Revenue and Customs avait récemment remis une liste de 3 200 Grecs qui ont acheté des propriétés en Grande-Bretagne depuis 2010, dont 372 personnes qui avaient acheté des propriétés multimillionnaires dans des quartiers clés de Londres. Selon Alexiadis, la Grèce poursuivrait maintenant certaines personnes clés pour évasion fiscale, et elle visait également à introduire une nouvelle taxe foncière d’1% sur les biens achetés à l’étranger par ses ressortissants.

En outre, alors que les Athéniens de la classe moyenne font la queue dans les soupes populaires, la riche diaspora grecque à Londres ne veut pas être vue en goguette autour de Mayfair…

À Londres, maintenant se mélangent  l’ancienne  et la Nouvelle Grèce.

La vieille Grèce comprend les grandes dynasties d’armateurs : on connaît bien sur des noms comme Onassis et Niarchos mais de nos jours, ce sont environ 900 familles grecques qui contrôlent la plus grande flotte du monde. Si Athina Onassis, la petite-fille d’Aristote, vit principalement en Belgique depuis son divorce avec un cavalier brésilien, plusieurs membres du clan Niarchos vivent à Londres. Eugenie, l’un des nombreux petits-enfants de Stavros, est une créatrice de bijoux de 29 ans, souvent vue entourée d’un groupe international de «socialites» telles la  Princesse Beatrice, les Dellal et Dasha Zhukova. Parmi les autres noms des affaires de bateaux de plaisance de Londres figurent les Livanos, les Embiricos, les Mavroleon, les Kulukundise, les frères Lemos, Adonis et Filippos, dont le dernier vient de se marier avec une autre socialite Grecque, Marianna Goulandris.

Autre exemple: Evangelos Pistiolis, l’un des rois de cette nouvelle génération du transport maritime : il a grandi en Grèce, mais, comme beaucoup, a terminé son éducation en Grande-Bretagne, où il a étudié les opérations maritimes à l’Institut Southampton de l’enseignement supérieur. Il a un bureau à Athènes, bien qu’il partage son temps aussi avec Monaco et Londres. «J’aime Londres pour son ambiance internationale,  vous ne rencontrez jamais les mêmes personnes. C’est dynamique. Peu importe votre entreprise, tout le monde passe par Londres trois à quatre fois par an. »

Il y a aussi Andreas Panayiotou, qui pèse dans les 500 millions de £, fils de Chypriotes grecs un ancien boxeur qui a fait fortune dans l’immobilier.

Daphne Vassiliades, un trentenaire glamour qui est venu ici pour étudier à la London School of Economics et ne l’a plus jamais quittée, dit que les Grecs à Londres aujourd’hui sont un groupe beaucoup plus intégré que certaines autres nationalités. «Si la première génération comptait peut-être 50 familles, il y en a beaucoup, beaucoup de la deuxième génération – ma génération – qui ont rarement vécu en Grèce et vivent ici : les femmes travaillent principalement dans la mode, les hommes dans la banque. Ils ont tous l’air anglais, et ils vivent comme des anglais ….

Une deuxième génération qui souvent se considère «grecque», mais a un passeport britannique parce née à Londres de parents grecs. Un passeport britannique est très prisé car cela signifie que vous pouvez échapper au service militaire obligatoire en Grèce.

Lorsqu’ils ont envie de pieuvre et de poisson en provenance de la Méditerrannée , alors les nostalgiques qu’ils soient issus de l’ancienne ou de la nouvelle Grèce se retrouvent pour déjeuner à l’Estiatorio Milos, un restaurant grec élégant à St James’s. Ou plus au nord au Lemonia à Primrose Hill ou à l’Elysée à Fitzrovia, le plus ancien restaurant grec de Londres, que le duc d’Édimbourg fréquentait dans les années soixante. Des petits enfants blonds prénommés Alexis ou Maria sont souvent envoyés à l’école de Knightsbridge, qui était autrefois le collège hellénique, fondé par le roi Constantin II et sa femme en 1980 afin que leurs enfants, ainsi que la progéniture d’autres Grecs exilés de la haute bourgeoisie reçoivent une bonne éducation dans la langue et l’histoire du pays. L’établissement a fermé en 2005 et «l’école de Knightsbridge» a ouvert l’année suivante, soutenue par des investisseurs comme Dimitri Goulandris ,avec un vieux directeur etonien Magoo Giles, autrefois écuyer de la Reine.

Ce que ancienne et  nouvelle Grèce partagent : une fierté et une dévotion inébranlable à la patrie, malgré ses drames sans fin. À Pâques, ils s’envolent tous  direction «la maison», idem pour les vacances d’été sur leurs voiliers de Mykonos ,à Spetses, Porto Héli ou autres archipels de la jet-set . Dîners de tavernes sous les oliviers, réunions familiales,  Le Parrain  à la sauce «tatziki» en quelque sorte…. Il fait écho aux paroles du roi Constantin II, rentré dans son pays d’origine en 2013 parce qu’il avait le mal du pays. «Regardez l’histoire grecque», a-t-il déclaré lors d’une interview l’an dernier. «Tous les Grecs qui vivent en exil, ne rêvent que d’une chose : revenir en arrière. C’est dans le sang !» (Merci à Caroline VM – Source Tatler février 2016)