Le 4 mai 1897, Sophie-Charlotte en Bavière (ici sur une photo de Franz Hanfstaengl de 1867), soeur de l’impératrice Elisabeth d’Autriche, et duchese d’Alençon par son mariage avec le petit-fils de Louis-Philippe, préside la vente du Bazar de la Charité. Celle qui avait failli être reine de Bavière par ses fiançailles avec Louis II, était finalement entrée dans la maison d’Orléans et allait connaître à Paris, une fin des plus tragiques.

Le Bazar de la Charité (ici la veille de la catastrophe, L’Illustration, mai 1897) est une organisation caritative dont l’objet est d’assurer la vente d’objets, lingeries et colifichets divers, au profit des plus démunis. les comptoirs sont tenus par des dames appartenant à la plus haute aristocratie française. Le décor, fait de carton pâte et de bois blanc, recouvert de peinture, de tentures et rideaux, évoque une rue et des échoppes du Moyen-Age.

Vers 16h30, survient l’accident fatal (L’Illustration, ci-dessus titre « Un brasier de chairs humaines »), alors que l’on projette un film : la lampe de projection du cinématographe a épuisé sa réserve d’éther et il faut à nouveau la remplir. L’assistant du projectionniste allume une allumette mais l’appareil est mal isolé et les vapeurs d’éther s’enflamment. Un rideau prend feu, enflamme les boiseries puis se propage au vélum goudronné qui sert de plafond au Bazar. Un témoin dira : « Comme une véritable traînée de poudre dans un rugissement affolant, le feu embrasait le décor, courait le long des boiseries, dévorant sur son passage ce fouillis gracieux et fragile de tentures, de rubans et de dentelles. » Au grondement de l’incendie, répondent les cris de panique des 1200 invités qui tentent de s’enfuir en perdant leur sang-froid. Certaines personnes tombent et ne peuvent se relever, piétinées par la foule des fuyards, paniqués.

La duchesse d’Alençon, dira à la jeune comtesse Mathilde d’Andlau : « Partez vite. Ne vous occupez pas de moi. Je partirai la dernière« . Une religieuse vient s’effondrer à ses pieds « Ô Madame, quelle mort ! », elle lui répond « Oui, mais dans quelques minutes pensez que nous verrons Dieu ! ». Ce seront ses dernières paroles. Elle mourra en compagnie de la comtesse de Beauchamp, qu’elle prendra dans ses bras pour lui masquer la mort qui l’attend.

Nul ne sait si elle mourut asphyxiée ou brûlée vive, mais les contractions de son corps montrent qu’elle avait dû souffrir atrocement. Son corps, méconnaissable, sera finalement authentifié par son dentiste qui, seul, pourra reconnaître ses dents immaculées et son bridge en or. (Ci-dessus le Bazar de la Charité après la catastrophe : partie du terrain où se trouvait le principal amoncellement de cadavres. L’Illustration – mai 1897)

Au total, la catastrophe fait 126 victimes et 250 blessés graves. Le duc d’Aumale, fils de Louis Philippe, est terrassé par une crise cardiaque le 7 mai 1897. Il venait d’achever une vingtaine de lettres de condoléances pour les familles de l’incendie le plus meurtrier de la IIIème république.

Juste après l’incenie, l’archevêque de Paris lance une souscription pour acheter le terrain où avait eu lieu l’incenie afin d’y construire une chapelle commémorative : Notre Dame de Consolation. Le 4 mai 1900, la chapelle est inaugurée sous l’égide du Cardinal Richard. (Ci-dessus, l’entrée rue Jean Goujon)

L’architecte Albert Guilbert obtint la médaille d’or à l’exposition universelle de 1900 pour la réalisation de ce monument de style néoclassique. La décoration sculpturale intérieure fut confiée à Hiolin, les verrières à Henri Carrot, la peinture de la coupole à Albert Maignan.

Erigés dans un cloître à l’arrière de la chapelle, 14 cénotaphes symbolisent la souffrance des familles unies à celle du Christ au Calvaire, et forment un Chemin de Croix. C’est dans ce chemin de Croix que sont inscrits sur 6 plaques de marbre noir en lettres d’or, les noms des victimes.

Après une messe funèbre, célébrée en l’église Saint Philippe du Roule, Sophie-Charlotte est inhumée dans la chapelle funèbre des Orléans à Dreux. Le gisant réalisé pour son tombeau représente de manière tellement poignante la duchesse de train de mourir qu’il n’est pas installé, et un autre plus sobre, est commandé au sculpteur Charles-Albert Walhain. (Merci à Francky pour ses recherches, son texte et ses photos)