C’est la plus petite pièce italienne en euros, celle de 1 c. Elle représente le Castel del Monte, structure militaire énigmatique, illogique, surprenante, dessinée par un monarque fascinant.

L’Italie, comme la Grèce, la Slovénie ou l’Autriche, a choisi de faire figurer un visuel différent sur chacune de ses huit pièces en euros.

Les pièces de 2 EUR et 1 EUR évoquent Dante et Léonard de Vinci – logique. Les pièces de 50 c à 10 c évoquent des œuvres d’art : la statue de Marc Aurèle à Rome, la sculpture « L’homme en mouvement » de Umberto Boccioni conservée au Museo del Novecento à Milan et un détail de la « Naissance de Vénus » de Botticelli, conservé au Musée des Offices à Florence.

Et puis il y a les petites pièces : celle de 5 c représente le Colisée de Rome, celle de 2 c la Tour Antonelliana de Turin et celle de 1 c le Castel del Monte, qui se trouve dans les Pouilles.

Si on plaçait toutes les pièces italiennes en euros sur une carte géographique de la Péninsule, on constaterait sans doute l’isolement de la pièce de  1 c tout en bas et à droite de l’image. Je ne m’étendrai pas sur le fait que ce soit la plus petite des pièces qui évoque le Sud de l’Italie : nous entrerions dans la politique et ce n’est pas mon domaine.

Nous sommes en Italie, mais le Castel des Monte a été construit au XIIIe siècle par un Prince de Hohenstaufen : Frédéric II, petit-fils de Frédéric Barberousse. La structure est conçue selon un plan octogonal et, à chaque coin de l’octogone figure une tour elle aussi octogonale.

 

La ressemblance est évidente – et assumée – avec le plan de la bibliothèque imaginée par Umberto Eco et portée à l’écran par Jean-Jacques Annaud dans « Le nom de la Rose ». Et ici, la magie du roman rejoint la magie de l’architecture et la magie de l’histoire.

Le Castel del Monte est construit comme une œuvre d’architecture militaire, mais sans remparts, sans douves, sans pont-levis et sans écuries, ce qui ne manque pas d’interpeler. Le chiffre 8 est le fil conducteur de la structure, comme dit plus haut, mais il a été poussé si loin que dans la cour interne se serait trouvée une baignoire octogonale en marbre. Vu du ciel, le Castel del Monte ressemble à une couronne octogonale, comme celle que portait précisément Frédéric II. Et fait remarquable et sans doute le plus connu, les escaliers en colimaçon montent dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, ce qui obligeait les défenseurs à tenir leur épée de la main gauche et, partant, les rendait plus vulnérables.

Ces curiosités (certains parlent de mystères), sont bien sûr à mettre en rapport avec le maître d’œuvre, Frédéric II de Hohenstaufen, qui a peut-être été le concepteur des plans du château.

Frédéric II était tellement érudit qu’on l’avait surnommé Stupor Mundi, la stupeur du monde. Polyglotte qui s’exprimait aussi facilement en normand qu’en sicilien, entre autres, il s’intéressait aussi aux arts, aux mathématiques et aux sciences – il avait permis que soient pratiquées des dissections, ce qui le condamnait immédiatement aux aigreurs de la papauté. Il faisait preuve d’une grande tolérance religieuse envers les musulmans et, fait important, la sixième croisade qu’il a conduite et qui lui a fait reconquérir Jérusalem a été la seule croisade pacifique.

On ne connaîtra jamais le motif profond de la construction du Castel del Monte.  C’est sans commune mesure, bien sûr, mais on peut penser à d’autres structures dont on ne connaîtra jamais tout : les moaï de l’ Île de Pâques (pourquoi sont-ils tombés ?), les tours de Great Zimbabwe (pourquoi sont-elles pleines ?), les lignes Nazca (pourquoi les avoir dessinées ?), etc.

Une toute petite pièce de 1 c imprime un peu de mystère sur la monnaie unique. Ce n’est pas pour me déplaire. (merci à Sedna pour ce 90ème numéro de la rubrique numismatique)