Saviez-vous que …c’est suite à sa visite en France en 1912 que la presse française surnomma affectueusement la reine Wilhelmine des Pays-Bas , la «petite reine» et que ce surnom contribua, par un mécanisme de métonymie, à désigner la bicyclette et le cyclisme naissant dont Wilhelmine était une pionnière.

Après la visite à La Haye du président français l’année précédente, le 1er juin 1912 à l’occasion des «fêtes franco-hollandaises» , c’est Wilhelmine qui vint en retour en visite officielle à Paris avec le prince Henri. (vidéo ICI ) : elle arriva en train à la gare du Bois de Boulogne. Ils sont reçus par le Président de la République française Armand Fallières.

Le soir en l’honneur du couple royal un dîner de 250 couverts fut servi dans la salle des fêtes de l’Elysée. La Reine portait une toilette en satin blanc avec incrustations de perles or et argent. Elle avait dans les cheveux un diadème en diamants et saphirs. Le Prince Henri portait l’uniforme de général avec en sautoir le grand cordon de la Légion d’Honneur.

Le 2 juin , elle se rend officiellement à l’Oratoire du Louvre déposer une palme d’or et se recueillir devant le monument élevé en l’honneur de son ancêtre l’amiral Coligny. Après avoir répondu aux souhaits de bienvenue des pasteurs, la reine prit une couronne de lauriers, nouée de ruban orange à son chiffre et à sa devise : « Je maintiendrai », et la déposa devant la statue en prononçant les paroles suivantes : « Gaspard de Coligny, Amiral de France, grand champion de la Sainte Cause de Dieu, aïeul de la maison d’Orange-Nassau, je dépose au pied de ta statue mes humbles hommages ».

La fille de l’amiral, Louise de Coligny, avait épousé Guillaume d’Orange-Nassau, alors  gouverneur de la Hollande et proclamé en 1581 par les États Généraux de La-Haye, Roi des Provinces Unies après la déchéance du roi Philippe II d’Espagne. C’est ainsi que l’actuelle famille régnante des Pays-Bas des Orange-Nassau est apparentée à l’amiral de Coligny. Sa fille la reine Juliana fit de même le 24 mai 1950, et en 1972 ,année du quatrième centenaire de la saint Barthélémy.

Logés pour cette visite officielle au palais des Affaires Etrangères, au quai d’Orsay, la journée des souverains fut chargée comme en témoigne un article paru dans « Le Stéphanois » du 4 juin 1912. Ils assistent le matin au culte au temple du Saint-Esprit, rue Roquépine. Ils rencontrent ensuite la colonie hollandaise de Paris au Quai d’Orsay, puis reçoivent à la légation des Pays-Bas,  avenue Kléber, une vingtaine de convives dont le président de la République Armand Fallières, le président du Conseil Poincaré, Monsieur et Madame Deschanel, le ministre des Affaires Etrangères de Hollande M. Dubost, l’ambassadeur de France à La Haye M. Marcellin Pellet,…

« Dès 2 heures, la rue de Rivoli, la rue Marengo, la rue Saint-Honoré et la rue de l’Oratoire regorgeaient de monde. A 3h 1/2 débouchant à vive allure de la rue de Rivoli venant directement de l’avenue Kléber, les automobiles de la Reine Wilhelmine et du prince Henri, des attachés à la personne des souverains arrivaient par la rue de l’Oratoire et stoppaient devant le temple. L’édifice est pavoisé aux couleurs françaises et hollandaises. la cérémonie terminée, le prince consort offre le bras à la reine qui regagne à grand peine son automobile au milieu d’une foule enthousiaste« .

A 5 heures, ils sont reçus à l’Hôtel de Ville. A cette occasion, le président Fallières offrit à Wilhelmine un coffret à bijoux créé par le joailler Falize, contenant les armoiries des provinces des Pays-Bas et des « décorations d’oranges traitées en grisailles d’or à la façon des émaux d’autrefois » et dont le couvercle porte l’inscription « A sa Majesté Wilhelmine, reine des Pays-Bas, Armand Fallières, président de la République Française, Paris 2 juin 1912« .

Dans la revue des deux mondes (tome 9 , 1912 ) , le chroniqueur Francis Charmes racontait en ces termes la visite royale , événement du mois de juin 1912 :

Paris est habitué, depuis quelques années, à recevoir des souverains étrangers, et c’est toujours avec satisfaction qu’il accueille et salue le plus haut représentant d’une nation amie; mais ce sentiment a été particulièrement vif chez lui à l’occasion de la visite que vient de lui faire la reine de Hollande. Et quand nous parlons de Paris, nous voulons parler de la France dont sa capitale est ici l’organe. La Hollande est un des pays de l’Europe dont l’histoire a été le plus profondément mêlée à la nôtre. Nous nous sommes heurtés souvent sur des champs de bataille avec la bravoure et l’indomptable ténacité de ses habitants et nous avons appris, quelquefois à nos dépens, à les apprécier.

Mais depuis longtemps nous n’avons plus de démêlés avec elle et nous formons des vœux pour sa prospérité et son bonheur, comme nous ne doutons pas qu’elle en forme pour nous. Si nous avons encore un intérêt politique en Hollande, il se confond très étroitement avec le sien propre, car c’est celui de sa parfaite indépendance. Notre désir le plus sincère est qu’elle reste ce qu’elle est et contribue par là au maintien de la paix générale. Nous voulons croire que ce n’est pas le hasard seul qui a établi dans sa capitale, après l’y avoir lentement élaborée, une institution internationale dont le but est précisément de dissiper, par l’intervention du droit, les nuages chargés de foudres: c’est bien en effet au milieu de ce peuple, qui a donné tant de preuves de courage, mais sage, prudent, réfléchi, devenu riche par son commerce, que devaient naturellement se tenir les assises de la paix. Et c’est pourquoi tant de regards se tournent aujourd’hui du côté de La Haye. Cette nation si digne d’estime a un gouvernement digne d’elle, représenté aujourd’hui par une reine qui, arrivée sur le trône encore enfant, y a grandi sous la tutelle d’une mère admirable et y remplit tous ses devoirs avec une intelligence sérieuse et avec grâce.

L’année dernière, M. le Président de la République a fait à la reine Wilhelmine et à la Hollande une première visite pour leur apporter le témoignage des sentiments de la France à leur égard: c’est cette visite que la Reine lui a rendue ces jours derniers. Comment Paris ne lui aurait-il pas souhaité la bienvenue avec ce surcroît de sympathie et de respect qu’il devait éprouver pour une jeune femme qui est un modèle de toutes les vertus publiques et privées? Au surplus, s’il avait pu hésiter un moment à exprimer ces sentimens, les premières paroles de la Reine n’auraient pas manqué de l’y encourager. Le toast qu’elle a prononcé au Palais de l’Elysée, en réponse à celui de M. le Président de la République, a tranché sur la banaUté qu’ont parfois ces manifestations d’éloquence protocolaire. La Reine s’est souvenue, avec un à-propos qui venait de son cœur et qui est allé droit au nôtre, des lointaines origines de sa famille. «Je suis fière, a-t-elle dit, du sang français qui coule dans mes veines et que le nom de ma race se rattache à la France.»

Les noms d’Orange et de Coligny, du fond des siècles révolus, revenaient à sa pensée et à la nôtre comme un souvenir de famille que le temps n’a pas altéré, qu’il a plutôt consacré et qu’il a adouci en le dépouillant des événements tragiques au milieu desquels il s’est formé. La Reine est allée déposer des gerbes de fleurs au pied du monument qui a été élevé à la mémoire de l’amiral de Coligny près de l’endroit où il a été massacré. A ces violences d’autrefois a succédé une tolérance d’autant plus précieuse qu’elle a été plus chèrement achetée. Rien ne rapproche plus que des souvenirs communs, et la Reine a paru se sentir très près de nous. On nous affirme que les paroles qu’elle a dites sont bien d’elle: elle les a écrites de sa main comme étant l’expression de sa pensée personnelle, sincère et profonde, et nous en avons été doublement touchés. Son séjour en France s’est terminé par une revue militaire à laquelle elle a pris un intérêt qu’elle s’est plu à manifester par de nobles paroles.

«Avant tout, a-t-elle dit en s’adressant à M. le Président de la République, je désire vous témoigner mon admiration pour le magnifique spectacle qui m’a été offert aujourd’hui. Je suis particulièrement charmée d’avoir pu en personne me rendre compte de la superbe tenue des troupes, de leur prestance, de l’ordre et de la discipline dont elles ont fait preuve dans leurs mouvements. C’est là une armée dont la France doit être fière. Elle doit voir en elle le plus sûr gardien de sa gloire et de son honneur.  Son attitude accueillante et gracieuse pendant les journées trop courtes qu’elle a passées au milieu de nous, les souvenirs qu’elle a évoqués, les espérances qu’elle a énoncées ont donné à la visite qu’elle nous a faite un caractère qui nous est précieux. Monsieur Fallières l’en a remerciée dans des termes qui traduisaient bien les sentiments de la France. Nous sommes convaincus qu’il restera de ce voyage quelque chose de durable dans les rapports de deux pays qu’aucun intérêt n’oppose l’un à l’autre et qui peuvent en toute sécurité s’estimer et s’aimer. (Merci à Caroline VM)