Sophie-Charlotte, Augusta von Wittelsbach, duchesse en Bavière est née à Possenhofen sur les bords du lac de Starnberg le 23 février 1847. Elle est la dernière fille du duc Maximilien en Bavière et de la princesse Ludovika de Bavière. Elle a pour frères et soeurs : le duc Ludwig Wilhelm (1831- 1920), le duc Wilhelm Karl (1832-1833), la duchesse Hélène (1834-1890) qui épousera le prince Maximilian von Thurn und Taxis, la duchesse Elisabeth (1837-1898) qui devint impératrice d’Autriche, le duc Charles Théodore (1839-1909) père de la duchesse Elisabeth, future reine des Belges, la duchesse Marie (1841-1925) épouse du roi François II des Deux-Siciles, la duchesse Mathilde (1843-1925) épouse du comte de Trani et le duc Maximilian (1849-1893).

unnamed3La duchesse Sophie en Bavière grandit au sein d’une famille nombreuse dans une ambiance joyeuse et un peu bohème, une enfance très libre si souvent décrite dans les biographies de sa soeur l’impératrice Elisabeth.

A 17 ans, Sophie se rend souvent à Munich où elle se promène librement, faisant elle-même des courses dans les magasins. Elle rencontre souvent son cousin, le jeune roi Louis II de Bavière, âgé de 20 ans. Les cousins s’entendent bien, mais ni l’un, ni l’autre ne songent au mariage.

unnamed4Pourtant le 22 janvier 1867 les fiançailles entre Louis et Sophie sont célébrées. C’est la musique de Wagner qui est cause de cette décision soudaine du roi Louis. Sophie est musicienne, et fait preuve d’une grande sensibilité. Le roi mélomane, sous la coupe de Wagner est séduit. Pourtant rapidement, le roi Louis II se rend compte de son erreur. De son côté, la duchesse Sophie comprend que Louis ne l’aime pas, elle pense qu’il joue simplement avec elle et elle est malheureuse. Et en l’été 1867, les fiançailles sont rompues.

C’est à la fin de ce même été 1867 qu’elle croise pour la première fois le prince Ferdinand d’Orléans, duc d’Alençon. Le duc de Nemours (fils du roi Louis-Philippe), accompagné de son fils le prince Ferdinand et de sa fille la princesse Marguerite séjournent en Allemagne à Rippoldsau où ils prennent les eaux. La princesse Clémentine de Saxe Cobourg Gotha, soeur du duc de Nemours qui entretient des relations cordiales avec la branche ducale de Bavière, a comme arrière pensée de marier sa nièce la princesse Marguerite avec le duc Max-Emmanuel en Bavière et elle a donc arrangé un arrêt des Orléans à Possenhofen. Mais rien ne se passe pour Marguerite et Max-Emmanuel, par contre le prince Ferdinand remarque Sophie.

Le jeune homme s’en ouvre à son père et le duc de Nemours ne se montre pas hostile au désir de son fils, l’alliance lui paraissant illustre. Il écrivit donc à sa sœur Clémentine pour savoir si la jeune Sophie abandonnée par Louis II , accepterait un prince français. Ayant mené sa petite enquête, la princesse Clémentine répondit à son frère : « le duc d’Alençon a été très remarqué durant son séjour en Bavière. Il lui serait possible de songer à cette alliance et d’obtenir la main de la princesse Sophie qui est charmante ».

Les fiançailles officielles sont célébrées à Possenhofen le 24 juin 1868 et le mariage se déroule le 28 septembre 1868.

Le jeune couple s’établit au château de Bushy dans la campagne londonienne et c’est là que naquit leur premier enfant le 19 juillet 1869, une petite fille la princesse Louise, Victoire, Marie, Amélie, Sophie. L’accouchement est difficile et la duchesse d’Alençon met du temps à récupérer, d’autant plus qu’en décembre 1869, la famille quitte l’Angleterre pour Palerme, pays où règne la sœur de Sophie, la reine Marie des Deux-Siciles.

C’est à cette époque que se situe un évènement qui rejoint la grande histoire. L’Espagne après deux ans de république avec le général Serrano, aspire à un nouveau roi. Elle répugne à rappeler la reine Isabelle II et fait le tour des princes européens. Elle songea au duc d’Alençon. Il était sympathiquement connu en Espagne. Les chancelleries européennes lui étaient favorables. Napoléon III lui-même soutenait ce prétendant. Tout se présentait favorablement. Ferdinand d’Orléans refusa. Les raisons de ce refus : d’une part, il ne se sentait pas à prendre le trône d’une femme qui avait été sa suzeraine lorsqu’il avait accepté son épée d’officier à la sortie de l’école de Ségovie, et d’autre part il était attaché à son pays et ne souhaitait pas perdre son titre de prince français. « Mon titre de Français, écrira t-il plus tard, m’était plus précieux que tout ».

En juillet 1870, la famille d’Alençon se retrouve à Possenhofen, puis Sophie étant tombée malade, elle s’installe à Méran dans le Tyrol méridional au climat plus doux. Elle y est rejointe par ses sœurs Marie et Elisabeth.

En 1871, le prince Ferdinand d’Orléans est affecté au 12ème régiment d’artillerie en garnison à Vincennes. Il est heureux d’être officier français. Il quitte Méran laissant son épouse enceinte de leur deuxième enfant. Il assiste au mariage de sa jeune sœur la princesse Marguerite avec le prince Ladislas Czartorisky, retrouve pour l’occasion tous ses cousins Orléans à Chantilly, mais très vite, il rejoint Méran à la hâte pour assister à la naissance le 18 février 1872 de son deuxième enfant, un fils, le prince Emmanuel, Philippe, Maximilien, Marie, Eudes.

unnamed5Le duc d’Alençon, toujours en garnison à Vincennes, emmène cette fois toute sa petite famille en France, où ils mèneront une vie familiale, simple, provinciale. Le 1er mai 1880, la princesse Sophie s’engage dans le Tiers Ordre dominicain. Voilà ce qu’écrit la princesse : « J‘ai été reçue ce matin dans le Tiers Ordre. J’ai été très émue comme vous le croiriez sans peine. Jamais de ma vie, je n’oublierai les impressions que j’ai reçu ce jour là. je m’étais préparée pendant plusieurs semaines. »

unnamed6En 1888, le duc et la duchesse d’Alençon partent pour Vienne accompagnés de leur fille la princesse Louise qui va avoir 20ans. Il faut songer à la marier. C’est à la Cour d’Autriche que Louise rencontre son futur époux, le prince Alphonse de Bavière, fils du prince Adalbert et de l’infante Amalia d’Espagne qu’elle épouse en 1891.

Le prince Emmanuel, lui, rejoint l’école d’officiers de Wiener Neustadt en Autriche et le 12 février 1896, Emmanuel d’Orléans, devenu duc de Vendôme épouse à Bruxelles la princesse Henriette de Belgique. Sophie est ravie du choix de son fils, surtout qu’il s’agit d’un mariage d’inclination.

Le duc et la duchesse d’Alençon se retrouvent seuls en France. Sophie est très active dans divers œuvres de charité. Le couple fête leurs noces d’argent. Ferdinand écrit à sa femme « Sois bénie ma bien aimée Sophie pour tout le bonheur que tu m’as donné ».

Ils deviennent aussi grands-parents pour la première fois avec la naissance le 31 décembre 1896 de la petite princesse Marie-Louise d’Orléans, fille du duc et de la duchesse de Vendôme.

unnamed11Et puis, le drame. Bazar de la Charité. Comptoir des noviciats dominicains les 3-4-5-6 mai 1897.  Le 4 mai 1897, il fait un temps radieux. Comme chaque jour, Sophie part pour la messe tôt le matin. Puis elle déjeune avec son mari et le Père Stanislas. Ensuite, elle se prépare pour se trouver à son poste derrière le comptoir dès l’ouverture. Elle demande au duc d’Alençon de la rejoindre de bonne heure pour ne pas manquer la visite du Nonce.

16h15 : le Nonce visite les comptoirs. Les Pères dominicains présents lui font escorte. Le duc d’Alençon aussi le reconduit jusqu’à la porte. Puis il s’attarde pour échanger quelques mots avec un ami. A son comptoir la duchesse d’Alençon est ravie : la vente est un succès. Quinze cents personnes environ se pressent dans ce hall long et étroit, animé par des orchestres.

Et tout à coup un cri jaillit : « Au feu ! « . Entre ce premier appel et la chute finale de la toiture, l’incendie du Bazar de la Charité aura duré une quinzaine de minutes. Voici d’après les différents témoignages, reconstitués les derniers moments de la duchesse d’Alençon.

La princesse Sophie se préoccupe d’abord d’organiser la sortie de ses vendeuses par une petite porte derrière le comptoir. On l’entend dire « les jeunes d’abord, puis les visiteuses ». Puis elle ajoute « sauvez vous bien vite, moi je sortirai la dernière« .

unnamed8Le duc d’Alençon resté à l’extérieur se met au service des uns et des autres : il organise la sortie, exhorte au calme, porte différentes personnes pour les éloigner au plus vite. Mais le feu gagne rapidement, les flammes fusent de la cabine cinématographique.

Le duc d’Alençon plonge alors dans la cohue, il cherche à rallier le stand des Noviciats. La duchesse qui a tout fait pour aider les autres à fuir, songe enfin à partir. Elle se dirige vers le centre en direction de la porte principale car c’est là qu’elle a aperçu son mari pour la dernière fois. Mais pas moyen d’accéder à cette porte, alors elle rebrousse chemin pour rejoindre la petite porte, mais celle-ci est alors totalement en feu. Elle s’adosse à son comptoir que le duc d’Alençon vient de quitter ne la trouvant pas. Elle prie et s’occupe de ceux qui partagent son sort. On retrouvera son corps calciné. elle sera identifiée par son dentiste. Après une cérémonie en l’église saint Philippe du Roule , elle sera inhumée le 14 mai 1897 dans la chapelle royale st Louis de Dreux.

unnamed10Voici un extrait des mémoires de la princesse Pauline de Broglie, comtesse de Pange sur ce fameux incendie : « En 1897, le Bazar fut transféré rue Jean Goujon dans un nouveau local plus luxueux que le précédent. On me promit de m’y conduire. Le 4 mai jour fixé pour la vente, ma mère fut prise d’une légère migraine et la sortie fut décommandée. J’allais donc chez ma grand mère. Soudain on frappa à la porte. ce n’était pas l’heure où le valet de pied apportait le « journal des débats » aussi le coup parut insolite. Ma grand-mère se leva en disant « Entrez ». C’était le maître d’hôtel lui-même qui annonça d’une voix toute changée : « La Princesse fait dire à Madame la Comtesse que le Bazar de la Charité brûle ». J’eus instantanément la vision très nette d’une catastrophe. Je connaissais un peu les lieux. Ma grand mère mis un châle et sa mantille noire, me prit par la main et monta avec moi dans le salon de ma mère où il y avait déjà plusieurs personnes. Je ne sais comment on apprit le drame. On ignorait encore le nombre de victimes, mais l’inquiétude était palpable. Ma mère écrivait hâtivement des petits billets qu’elle faisait porter en ville par les domestiques. On fut assez vite rassuré sur le sort de ma sœur Albertine qui devait vendre ce jour là au comptoir d’une de ses parentes la comtesse Louis de Luppé. Ma sœur avait eu un léger rhume et avait préféré passer la journée à la campagne. La comtesse Louis de Luppé fut brûlée vive, on ne retrouva que son alliance. Toute la soirée, on parla de l’évènement. les nouvelles arrivaient toujours plus effrayantes. L’annonce de la mort certaine de la duchesse d’Alençon mit le comble à la consternation générale. On maudissait les organisateurs d’avoir installé un cinématographe dans la salle. Cette catastrophe fit une impression immense. On en parla toute une saison et la politique s’en mêla. » (Un grand merci à Corentine pour ce portrait – Copyright photos : DR)