Evoquer le grand-duc Serge (voir précédent portrait dans la rubrique « Portraits ») et présenter l’aîné de ses frères constituent deux démarches aux accents antagonistes. Si le contexcte géographique et historique de la Russie impériale à son meilleur est le même, les chemins donnant à connaître ces princes sont très différents.

Les sources documentaires abondent au sujet du grand-duc Serge, gouverneur de Moscou et la photographie déjà familière des Romanov en 1858 nous offre à découvrir les traits exacts du cadet dès sa première enfance, tandis que le visage de l’aîné ne sera révélé sur un premier cliché qu’à lâge de 15 ans.

Né pour être empereur de Russie, Nicolas Alexandrovitch, fils aîné et second des huit enfant du tsar Alexandre II (1818-1881) et de la tsarine Maria Alexandrovna, née princesse de Hesse et du Rhin (1824-1880) voit le jour à Tsarskoïe Selo le 20 septembre 1843.

En 1855, suite au décès de son grand-père paternel le tsar Nicolas I, le prince que ses proches surnomment affectueusement « Nixa » accède au rang d’héritier du trône impérial. Le tsar Alexandre II prend alors quelques distances avec ses enfants et il n’a de cesse de répéter à Nicolas les propos de son propre père : « Sers la Russie« .

Les membres éminents du gouvernement et de la haute société russe déplorent l’éducation strictement militaire des fils du tsar et souhaitent que l’héritier quitte l’isolement où il est tenu pour prendre contact avec la réalité sociale russe à l’instar des princes héritiers de Garnde-Bretagne et de Prusse qui étudient à l’université. Ils souhaitent que les princes russes cessent de se déguiser en militaires alors que, vêtu civilement le prince de Galles étudie la biologie assis derrière un microscope.

La tsarine Maria Alexandrovna se préoccupera également activement de l’éducation de ses 6 fils et fondera beaucoup d’espoirs -que semblent justifier une intelligence brillante et des capacités intellectuelles très développées- en l’aîné particulièrement doué. La tsarine avait lu l’Emile de Rousseau et souhaite que les professeurs de ses fils s’inspirent de la pédagogie de l’écrivain.

Le 8 septembre 1859, des fêtes officielles sont données à l’occasion de la majorité du tsarévitch qui s’y montre brillant, capable de discuter de politique étrangère avec les diplomates étrangers invités pour l’occasion.

Peu après, le tsar Alexandre II lui choisit un tuteur éclairé afin de parfaire son instruction. En effet, le comte Sergei Stroganoff alors gouverneur de Moscou, est également membre de la Société Russe d’Histoire et d’Antioquités. Issu d’une famille francophile aux idées rousseauistes, ayant séjourné à Paris durant la Terreur, il est connu pour ses vues libérales et inculquera à son élève de sérieuses connaissances historiques et archéologiques. Stroganoff souhaite faire inscrire Nixa à l’université mais les tensiosn politiques s’y opposent.

Enfant précoce devenu jeune homme studieux, Nicolas bénéficiera de l’enseignement d’autres maîtres tels que Constantin Kaveline, le propre jurisconsulte du tsar qui l’initiera aux arcanes de la législation et influencera les réformes libérales d’Alexandre II. Kaveline fut l’un des premiers propriétaires terriens à libérer ses serfs.   

Sur l’initiative du tsar, les connaissances théoriques acquises par le jeune prince seront agréablement enrichies et illustrées par un « tour de Russie » qu’il effectuera de Saint Pétersbourg en Crimée en compagnie d’un historien et théoricien politique (Constantin Pobedonostev). Durant quelques mois, à l’université de Kazan, le tsarévitch suit des cours de mathématique, physiologie, physique, sciences et archéologie.

Lors de ce « tour de Russie », Nixa s’intéresse sincèrement au sort de ses futurs sujets. A Riga, il s’informe sur l’économie locale et compare le caractère authentique de la ville à l’aspect artificiel de Saint Pétersbourg. A propos des édifices historiques et richement ornés, il écrit : « Tout cela n’a pas coûté un seul Kopek à la couronne, cette ville a une Histoire contrairement à Saint Pétersbourg née hier« .

Les préoccupations économiques sont au centre de sa réflexion et lorsqu’il parle directement au peuple russe, il constate son patriotisme sincère, sa profonde religiosité et son indefectible attachement à l’empereur.

Son investiture comme Ataman des Cosaques à Novocherkassk constitue l’acmée de ce voyage mais le tsarévitch éprouve déjà trop fréquemment d’inexplicables et étranges malaises sans cause objectivable.

Les médecins attribuaient le mauvais été général de sa santé à une chute de cheval survenue alors qu’il avait 16 ans. Cette théorie a prévalu jusqu’à ce qu’à la lumière de recherches récentes basées sur les rapports médicaux contemporains on démontre que le prince était atteint de tuberculose vertébrale avec les conséquences que les praticiens d’alors ne pouvaient diagnostiquer.

Le tsarévitch suivra différentes cures de bains de mer à La Haye et séjournera régulièrement à Nice à partir de l’automne 1863. A 20 ans, le prince héritier accompli, Nicolas a hérité de la douceur des traits maternels et de ses qualités morales qui suscitent l’admiration et le respect. Ses manières d’une grande noblesse en font un compagnon idéal et recherché.

A cetet époque, l’une de ses lointaines cousines, la duchesse Catherine d’Oldenburg (1846-1866) élevée à Saint Pétersbourg par un père érudit, tombe éperdument amoureuse du prince. Les sentiments ne seront toutefos pas réciproques et la tsarine envisage d’ailleurs une alliance qu’elle estime plus digne de l’héritier impérial en la personne de la princesse Dagmar de Danemark (1847-1928).

Le choix de la fiancée s’inscrit dans la prestigieuse politique maritale de la cour danoise, palliative à l’issue défavorable de la « guerre des duchés ». En dépit de son état de santé déclinant, Nicolas se rend à Copenhague afin de fêter ses fiançailles le 28 septembre 1864. La promise n’a que 16 ans et ne connaît de la Russie que les contes d’Andersen qu’elle a lus dans une traduction russe.

Dès la fin de l’année 1864, la tsarine s’installe avec son fils à la villa Bermond à Nice et malgré les soins attentifs qui lui sont prodigués, Nicolas Alexandrovitch s’éteint dans sa 22ème année lors d’une crise foudroyante qui l’emporte dans la nuit du 23 au 24 avril 1865.

Conduit vers sa dernière demeure à bord d’une frégate qui partira de Villefranche pour gagner la terre russe, il sera inhumé dans la nécropole impériale de la cathédrale Pierre-et Paul à Saint Petersbourg. Ce drame atteint profondément la famille impériale qui avait imaginé un avenir si glorieux pour celui qui serait vraisemblablement devenu un souverain avisé, humain et libéral.

En juin 1866, le nouveau tsarévitch (futur Alexandre III) frère favori du défunt, demande la main de la princesse Dagmar de Danemark (voir archives dans la rubrique « Portraits »). Ils formeront un couple impérial harmonieux et créeront une famille unie mais ceci est une autre histoire.

La ville de Nice où demeurait depuis le milieu du 19ème siècle une importante communaté russe, demeure à jamais associée au souvenir du tsarévitch. Son père avait acheté une partie du parc de la villa Bermond afin d’y faire édifier sur les lieux mêmes où son fils avait rendu son âme à Dieu un magnifique oratoire à l’architecture byzantine très soignée.

En 1912, une remarquable cathédrale orthodoxe consacrée à Saint Nicolas sera dédicacée à proximité de la chapelle initiale. Cet édifice est l’église orthodoxe russe la plus importante hors de la Russie. (Un grand merci à Damien B. pour toutes ses recherches et ses photos)