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S’il est un mystère qui continue de faire encore couler beaucoup d’encre, c’est celui de la nuit du 30 janvier 1889 à Mayerling. Que s’est-il passé cette nuit-là ? Nul ne le sait vraiment. Mais les faits sont simples et brutaux, l’archiduc Rodolphe d’Autriche, héritier de la Double-Monarchie, est trouvé mort avec à ses côtés une jeune femme, la baronne Marie Versera, une jeune femme de 17 ans. Suicide ? Assassinat ? Toutes les thèses sont permises et à ce jour aucune ne prévaut réellement.

Rodolphe laisse à sa mort une veuve et une orpheline. La veuve, l’archiduchesse Stéphanie, née princesse de Belgique, est la mal-aimée de la cour de Vienne. Mariée à 17 ans, à peine nubile, le 18 mai 1881 à un homme, son aîné de 14 ans, un prince aux idées libérales mais mal dans sa peau, déjà en proie aux démons qui vont ruiner sa vie.

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Rodolphe et Stéphanie en 1882

“Quelle nuit, quelle souffrance, quelle terrible déception ! Je ne savais rien, on m’avait conduite à l’autel comme une enfant confiante. Et voilà que mes illusions, mes rêves de jeune fille étaient détruits. J’ai bien cru mourir de désespoir.” C’est ainsi que la nouvelle archiduchesse parle de sa nuit de noces.

La trop blonde, trop fade, trop terne Stéphanie, malgré un début de bonheur conjugal, ne répond pas aux attentes des ses beaux-parents, l’empereur François-Joseph et l’impératrice Elisabeth et encore moins à celles de son mari.

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Stéphanie et Erszi vers1885

L’orpheline, Élisabeth-Marie Henriette Stéphanie Gisèle de Habsbourg-Lorraine archiduchesse d’Autriche, naquit le 2 septembre 1883 à Laxenbourg, une des résidences impériales près de Vienne. Elle a cinq ans à la mort de son père. Et sa venue au monde ne combla en rien le mal de vivre de Rodolphe. Elle restera fille unique car Rodolphe a transmis à Stéphanie une maladie vénérienne qui l’empêchera d’avoir d’autres enfants.

Issue de l’illustre Maison d’Autriche par son père et de la moins illustre, mais en pleine ascension en Belgique et au Royaume-Uni, la Maison de Saxe-Cobourg, par sa mère, Elisabeth-Marie avait à sa naissance toutes les chances que peuvent donner la naissance et la fortune, elle aura aussi les chances données par la beauté et l’intelligence. Mais si les fées existent, il en est une, mauvaise, qui s’est penchée sur le berceau de la petite “Erszi”, comme elle sera surnommée toute sa vie.

Outre la mort de son père, les premières années de sa vie furent marquées par des deuils et drames familiaux. En 1888 meurt son arrière-grand-père, le duc Maximilien en Bavière. Puis, en 1892 son arrière-grand-mère, la duchesse Ludovica disparut à son tour. En 1896, son grand-oncle l’archiduc Charles-Louis d’Autriche meurt après un pèlerinage en Terre Sainte. En 1897, une sœur de sa grand-mère, la duchesse d’Alençon, périt brûlée dans l’incendie du Bazar de la Charité à Paris. Et en 1898, c’est sa grand-mère, Elisabeth, qui est assassinée à Genève.

Bien sûr il reste à Erszi l’amour de sa mère et surtout celui de son grand-père l’empereur. Mais l’amour de sa mère va disparaître avec le remariage de celle-ci avec un homme, le comte Elemér Lonyay, qui, bien qu’un aristocrate, est de naissance inférieure à sa femme. Stéphanie sera désormais une femme heureuse mais bannie de la cour.

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L’empereur François-Joseph

Erszi n’a plus que son grand-père. Dans son testament en date du 2 mars 1887, Rodolphe avait écrit : “ Je prie humblement Sa Majesté Impériale et Royale, apostolique, de bien vouloir être mon exécuteur testamentaire ainsi que le tuteur de ma fille Elisabeth. Par la présente, je déclare faire de ma fille Elisabeth mon unique héritière et lui léguer l’ensemble de mes biens mobiliers et immobiliers. Mon épouse Stéphanie aura l’usufruit de l’ensemble desdits biens durant son vivant. Cette disposition devient automatiquement et totalement caduque en cas de remariage.”

Elisabeth-Marie sera une femme riche, voire très riche, jusqu’après la deuxième guerre mondiale.

Dans une lettre à Katharina Schratt, le 26 mars 1891, François-Joseph, encore un des hommes les plus puissants au monde, raconte une après-midi avec sa petite-fille : “Hier à midi et demie, je suis allé me promener à Schönbrunn avec ma petite-fille. Comme elle voulait donner à manger aux animaux, nous avons traversé le jardin tyrolien, l’enclos des faisans, et sommes passés derrière la Gloriette pour arriver à la ménagerie. Nous sommes également allés voir les trois petits ours bruns qu’elle adore et auxquels on est en train de construire un abri plus spacieux, ainsi que l’ours dansant qui me plait beaucoup à moi aussi. Il était tout grognon mais a manifesté de la joie dès qu’il a vu arriver Erszi. Elle avait apporté du pain pour les animaux et en a lancé avec beaucoup d’habileté quelques morceaux directement dans la gueule des trois ours. Le chamois que nous sommes ensuite allés voir, et qui a bien piteuse mine, a reçu également sa part du festin, ainsi que, pour finir, les beaux mouflons. Bien que sachant la désapprobation de notre ami Kraus ( le directeur de la ménagerie) nous leur avons également donné du papier, une friandise dont ils raffolent.”

Erzsi aime les animaux et elle les aimera toute sa vie.

Elle eut une institutrice hongroise, Rosa Tomor, jusqu’au décès de son père. En 1893, la jeune archiduchesse avait pour gouvernante une française, Eugénie Touzet, très cultivée et tout-à-fait capable. Elle eut aussi une une surintendante de sa maison en la personne de la comtesse Elisabeth Coudenhove qui lui restera dévouée jusqu’à son mariage. L’archiduchesse Stéphanie était une bonne mère, attentive à sa fille, mais la comtesse Elisabeth Coudenhove fut peut-être plus proche d’elle et Elisabeth-Marie la conserva dans son affection lorsqu’elle s’éloigna de sa mère.

Erszi eut donc une éducation complète avec un enseignement des langues étrangères. Elle apprit et parla à la perfection, outre l’allemand et le hongrois, l’anglais, le français et l’italien. Cet apprentissage des langues était toutefois normal à la cour de Vienne où se mêlaient aristocrates de toutes les nationalités, quatorze, composant l’empire austro-hongrois. Elle apprit aussi la littérature, la philosophie, la géographie l’histoire des pays sur lesquels régnait son grand-père, mais aussi des pays européens et du monde. A cela s’ajoutèrent la botanique, la minéralogie, la zoologie, la musique et l’harmonie. On ne parle ni de mathématiques, ni de physique, ni de chimie. Mais tous ces cours étaient enseignés par les professeurs de Vienne les plus éminents. Il y eut aussi une éducation religieuse.

A ces disciplines intellectuelles s’ajoutèrent la danse, le chant, la peinture. Et enfin l’équitation et le tennis. On peut dire qu’Elisabeth-Marie était une jeune fille accomplie.

La santé de la fillette, toutefois, inquiète. Son grand-père ne lui trouve pas bonne mine dans une lettre écrite à sa femme le 10 décembre 1892 : “ La petite a encore grandi, je la trouve très maigre et très pâle.” Elisabeth ne semble pas avoir partagé les mêmes inquiétudes à propos de sa petite-fille.

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L’impératrice Elisabeth en 1893

En 1898, l’archiduchesse Stéphanie tombe gravement malade au point de devoir lui administrer les sacrements puis ce fut le tour de l’archiduchesse Elisabeth-Marie. Mais heureusement les deux se rétablirent et furent autorisés à faire un grand voyage commençant dans le Tyrol du Sud. Il faut se souvenir que pour quitter la cour, la famille impériale devait en avoir obtenu l’autorisation de l’empereur. Ce fut un vrai tour d’Europe pour les deux femmes, Belgique où elle vit ses grands-parents maternels, Angleterre, France, Italie, Suisse, Bavière. On peut aisément imaginer le luxe dans lequel elles voyagèrent.

Mais le 10 septembre 1898, le ciel se ternit à nouveau. Sissi était assassinée par Luigi Luchini. Le désespoir de François-Joseph, puis son stoïcisme, sont bien connus. Mais on ne sait rien des sentiments d’Erszi. Sa grand-mère, essentiellement préoccupée d’elle-même, ne s’intéressait pas à elle. Et elle ne la voyait que rarement, toujours distante lui donnant sa main à baiser.

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Elisabeth-Marie, toute jeune fille

Toutefois dans son testament l’impératrice laissait à sa petite-fille le cinquième de sa fortune, qui était considérable car à la mort de l’empereur Ferdinand en 1875, l’empereur avait donné une partie de son héritage à sa femme, soit deux millions de florins (peut-être 40 millions d’euros en équivalent or) avec en plus une rente annuelle de trois cent mille florins. Et celle-ci avait placé l’héritage en Suisse, pour le cas où elle aurait à émigrer.

Erszi avait déjà reçu les bijoux de sa grand-mère. Elle était donc encore plus riche. Et les photos l’attestent, elle était à quinze une jeune fille fort belle.

1900 est le tournant du siècle mais aussi celui de la vie d’Elisabeth-Marie.

Le 9 janvier 1900, la jeune archiduchesse est autorisée à paraître au Bal de la Cour, l’évènement de la saison viennoise.

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Bal de la Cour

La soirée commença par un dîner de famille, six heures précises, à la Hofburg présidé par l’empereur. Vingt cinq personnes étaient invitées, dont dix archiducs et treize archiduchesses. L’empereur présidait avec à sa droite l’archiduchesse Stéphanie, sa belle-fille, à sa gauche l’archiduchesse Marie-Thérèse, sa belle-soeur veuve de l’archiduc Charles-Louis. Elisabeth-Marie avait à sa droite l’archiduc Rainier (1827-1913), âgé de 73 ans, neveu de l’empereur François Ier le grand-père de François-Joseph, général de l’armée austro-hongroise, et à sa gauche l’archiduc Léopold-Ferdinand. François-Ferdinand était également présent.

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Détail de la table impériale, tous les couverts à droite selon l’étiquette de Charles-Quint

Le repas fut frugal et vite expédié, selon les habitudes de François-Joseph, qui servi le premier commençait à manger sans attendre que le dernier eût quelque chose dans son assiette, lequel souvent ne mangeait pas car l’empereur avait déjà fini et quittait la table. Mais l’atmosphère fut chaleureuse autour de la table éclairée par les girandoles et sur laquelle brillait le surtout en or massif.

 

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Surtout de la table impériale

Trois mille personnes étaient conviées à participer à une cérémonie parfaitement réglée. L’heure d’arrivée de chacun était prévue, la répartition dans les salons se faisait selon le rang et la fonction des invités. Les dames devaient paraître en grande robe du soir avec port de bijoux obligatoire, la profondeur du décolleté précisée. Les hommes étaient en tenue d’apparat sans insigne. Le prince Hohenlohe, grand maitre de la cour à l’époque présidait à l’organisation toute militaire et au bon déroulement du bal. Toutes les salles de la Redoute étaient occupées illuminées par les immenses lustres en cristal à plusieurs étages et croulaient sous la décoration florale.

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Salle de la Redoute aujourd’hui

Erszi fut donc autorisée à y paraître, malgré ses dix-sept ans, la coutume voulant que l’on ne puisse paraître à ce bal avant dix-huit ans.

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Les lustres

L’empereur fit son entrée avec l’archiduchesse Marie-Josèphe, épouse de l’archiduc Othon. Il était suivit par le duc de Cumberland, Ernest-Auguste II de Hanovre, cavalier de l’archiduchesse Stéphanie, eux-mêmes suivis par l’archiduc Louis-Victor, frère cadet de l’empereur, âgé de 58 ans donnant le bras à Elisabeth-Marie.

Erszi portait ce soir-là une robe de satin semée de petits diamants et garnie de volants retenus par des guirlandes de fleurs de muguet, un simple collier de perles autour du cou. Tous les regards se tournèrent vers elle. Au lieu d’une timide jeune fille de 17 ans, ils virent une femme accomplie, d’une grande beauté, du haut de son mètre quatre vingt cinq.

“Tous  retinrent leur souffle au moment où elle apparut : elle était très grande, faisait une tête de plus que sa mère, et il émanait d’elle une grâce de princesse de conte de fées, avec comme chez Blanche-Neige, une extraordinaire candeur accentuée par un sourire absolument délicieux et irrésistible”, écrit le Neue Frei Presse, le lendemain du bal.

La réalité était un peu différente car si Elisabeth-Marie était belle, elle n’en était pas moins consciente et de sa beauté et fière de son rang, bien éloignée de l’idée que l’on se fait d’une douce princesse de conte de fées.

Le programme musical était aussi réglementé :

  • Valse 9 à 9.7 : “Feuilles du matin” de Johann Strauss
  • Polka française 9.12 à 9.17 : “ Vues de Vienne “ Edouard Strauss
  • Quadrille 9.22 à 9.42 : “Quadrille des artistes”Et ainsi de suite jusqu’à
  •  Valse 11.55 à 12h : “Mille et une nuits” Johann Strauss

Après le deuxième quadrille, à 10.27, les archiduchesses se retirèrent pour prendre le thé. Autour de Stéphanie, de l’archiduchesse Alice, grande-duchesse de Toscane, des archiduchesses Anna, Marie-Josèphe et Marie-Annonciade, soeur de François-Ferdinand, prirent place trente-six dames prirent place dont les dames d’honneur aux noms si brillants : Pallavicini, Harrach, Auersperg, Schönburg, Windisch-Graetz, Esterhazy, Hohenlohe, Croÿ, Metternich…

Elisabeth-Marie s’échappa pour danser le cotillon à 10.32. Elle ne s’arrêta de danser qu’à la fin du bal.

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Archiduchesse Marie-Annonciade, soeur de l’archiduc François-Ferdinand

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Elisabeth-Marie à 18 ans

Deux semaines après fut donné le Bal à la Cour, “Ball bel Hof”, beaucoup plus restreint car seuls pouvaient y prendre part l’aristocratie justifiant de seize quartiers et reçues dans le cercle impérial sans avoir à demander audience, les ambassadeurs, les ministres, les conseillers auliques et les généraux. Pas d’uniforme obligatoire pour les hommes, le frac et la cravate blanche était la mise la plus générale. Les femmes y arboraient grande toilette et bijoux. On y était entre soi.

Elisabeth-Marie en fut, bien entendu. On y admira aussi Maximilien de Bade, neveu du Grand-duc, dont on chuchotait qu’il était à Vienne pour y chercher une fiancée et le nom d’Erszi courut rapidement.

Même cérémonial, la famille impériale, menée par l’empereur et la duchesse de Cumberland suivis de la kyrielle archiducale, fit son entrée. La première dans fut la valse de Strauss “ Feuilles dédicacées” sous la baguette  du chef Edouard Strauss, le quatrième de la dynastie musicale viennoise.

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S.A.I.&R. l’archiduchesse Elisabeth-Marie

Erszi dansa la première valse avec le comte Cecchi, puis la polka avec le comte Széchényi et à la deuxième valse “ Le cours de ma vie”, de Johann Strauss, elle fut enlevée au premier son du violon par un bel officier du 1er régiment de Uhlans, le prince Otto Windisch-Graetz.  Une fois de plus elle dansa sans s’arrêter jusqu’à la fin.

Encore deux bals, donnés par l’archiduc Louis-Victor et la saison était finie pour Elisabeth-Marie. Elle partit se reposer à Bolzano puis à Miramar, près de Trieste.

Le ciel de la Hofburg redevenu serein depuis quelques temps, se voila à nouveau, au grand déplaisir d’Elisabeth-Marie.

Depuis quelques temps, l’archiduchesse Stéphanie, sa mère, n’était plus vraiment la même.

Elle n’avait jamais été heureuse à la cour de Vienne et elle avait été malheureuse dans son mariage. Pour l’impératrice, elle n’avait été qu’une grosse flamande (sic) à laquelle elle n’accordait aucune attention, et pour l’empereur une belle-fille pour laquelle il n’avait pas de sympathie mais qu’il respectait et probablement plaignait un peu.

Erszi avait bien senti l’émoi de sa mère lorsque s’approchait d’elle “le petit hongrois” , comme elle le surnommait, qu’elle méprisait notamment à cause de sa petite naissance car Erszi était fière, voire très fière d’être la petite-fille d’un empereur, le plus puissant d’Europe, et d’un roi, le plus riche d’Europe, unanimement admiré pour ses capacités politiques et financières. Erszi ne s’intéressait pas à qui ne figurait pas dans le Gotha, première, deuxième ou troisième partie. La simple noblesse n’avait pas d’existence à ses yeux, quant à la bourgeoisie ou le peuple, il est possible qu’elle en ait même ignorer le nom à l’époque.

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La mère et la fille

Son Altesse Impériale et Royale l’archiduchesse Stéphanie, princesse royale de Belgique, était amoureuse à trente-cinq ans. Situation somme toute banale, même pour une veuve de son rang! Mais l’élu de son coeur Elemér Lónyay de Nagy-Lónya et Vásáros-Namény, malgré un nom à rallonges, est de petite noblesse hongroise. La famille Lónyay porte le titre de baron depuis 1627 mais ne porte le titre de comte que depuis 1896. Elle est loin d’être sans illustration et sans fortune sans appartenir toutefois au cercle des trois cents familles de Magnats hongrois, qui sont à la cour comme chez eux.

Elemér Lónyay a été premier secrétaire à l’ambassade d’Autriche-Hongrie à Saint-Petersbourg, puis à Paris, à Londres et à Rome. Stéphanie n’a jamais dit où et quand elle l’avait rencontré. On suppose que c’est à Londres en 1896, lors de l’un de ses nombreux voyages à elle. En 1900, il a trente sept ans. Stéphanie a conscience que son amour risque de déplaire à tous.

Sa soeur Louise, déjà, a causé un scandale. Mariée à son cousin, un prince débauché, Philippe de Saxe-Cobourg-Kohary, petit-fils de Louis-Philippe Ier par sa mère, la princesse Clémentine, maltraitée par son mari, elle avait rencontré en 1895 un officier croate le comte Geza Mattachich dont elle était tombée amoureuse. Son mari obtint de François-Joseph l’internement de Louise dans un hôpital psychiatrique et son amant fut incarcéré et condamné à quatre ans de prison à la suite d’un procès inique. Libéré, il réussit à faire évader Louise. Le couple partit à l’étranger. Elle finit par divorcer et se marier avec lui, mais elle fut déshéritée par son père.

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La princesse Louise de Belgique, S.A. la princesse Philippe de Saxe-Cobourg-Kohary

Son autre soeur, Clémentine, est amoureuse du prince Napoléon, héritier du trône impérial de France, mais son père Léopold II ne veut pas entendre parler de ce mariage, qui risque de compromettre sa politique de rapprochement avec la France républicaine. Clémentine finira par se marier avec le prince Napoléon, à la mort de son père. Elle fut la belle-mère de l’actuelle princesse Napoléon, née Alix de Foresta. L’archiduchesse Elisabeth-Marie était donc la cousine germaine du prince Napoléon.

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La princesse Clémentine de Belgique,S.A.I. la princesse Napoléon

Dans ce contexte, les émois du coeur de l’archiduchesse Stéphanie risquent de causer un nouveau scandale. Une archiduchesse d’Autriche n’épouse pas un comte de fraiche date. Stéphanie le sait mais elle est amoureuse et a besoin d’être aimée. Ses parents ne l’aimaient pas, ses beaux-parents, pas plus, son mari encore moins. Seule Erszi l’aimait mais cela ne suffisait pas à comble le vide de sa vie de femme.

Elle affronta l’empereur en premier lieu, à l’automne 1899. Elle fut ferme dans son intention, qui ne surprit pas l’empereur car sa police secrète était bien faite. Il accepta le principe du remariage – cela l’arrangeait même de la voir quitter la cour – mais à des conditions draconiennes. Elle devait renoncer à son rang et à ses titres et surtout se séparer de sa fille. Une archiduchesse d’Autriche ne pouvait vivre sous le même toit qu’un comte, fût-il son beau-père. C’était contraire à tous les usages de la Maison d’Autriche. En échange, l’empereur lui assurait un pension généreuse qui lui permettait de vivre largement. Elle restait malgré tout mère d’une archiduchesse.

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Le comte Elemér Lónyay en costume hongrois

Malgré son déchirement, elle accepta ces conditions. Elle voulait être heureuse. Et elle le fut pendant quarante cinq ans. Stéphanie mourut en 1945 et Elemér en 1946.

Il lui fallait aussi avertir son père Léopold II. Elle lui écrivit : “…L’empereur, mon seul soutien, est âgée, ma mère m’a rejetée, je ne peux plus voir ma chère soeur, et ma fille, en âge de se marier, a déjà reçu plusieurs propositions. Je ne tarderai pas à me retrouver seule au monde si je n’acceptais pas la main et l’amour qui s’offre à moi…En possession de l’accord de Sa Majesté l’empereur, je ne doute pas un instant que vous donnerez votre bénédiction à mon futur bonheur.”

La réponse ne se fit pas attendre et fut à la hauteur de la personnalité de Léopold II. Il lui retira immédiatement le prédicat d’Altesse Royale, lui supprima sa pension, la raya de son testament et refusa sa bénédiction. Stéphanie s’en passa. Mais le plus dur restait à faire: prévenir Erszi. Celle-ci avait de grands doutes sur la situation mais avait du mal à admettre ce qui se préparait.

A Miramar, la mère affronta sa fille. “ J’ai appris que l’homme que j’ai choisi te déplait et que tu t’es permise des remarques désobligeantes à son égard.” Elisabeth-Marie répondit qu’elle n’avait aucune sympathie et ne pouvait en avoir à l’égard de celui qui lui enlevait sa mère, qui accaparait son temps et la laissait, elle, négligée et seule. Le sang de Stéphanie ne fit qu’un tour et elle lui répondit “ Seule ! Jusqu’à présent, la solitude a été mon sort. je suis veuve depuis onze ans. Vois comme je suis traitée à la cour. Je devrais être la première dame de l’empire, je suis repoussée. Une jeune pimbêche me remplace. Comme femme, j’ai été maltraitée et blessée au plus profond de mon être. Avec Rodolphe, ton père, j’ai perdu mon honneur…je me suis fiancée enfant et déjà il me trompait…il cherchait un réconfort auprès des femmes, elles le menèrent à la débauche. Il perdit ses forces morales, son équilibre psychologique puis sa santé? Tu peux savoir maintenant que la mort n’est pas venue à lui; c’est lui qui est allée vers elle pour se délivrer de lui-même… par son testament il m’a fait perdre mes droits sur toi, mon enfant…Voilà pourquoi je n’ai pas osé approfondir notre intimité ! Je te connais mal, je connais mal la valeur, la chaleur de ton coeur. J’aurais voulu t’aimer de tout mon coeur, mais déjà, toute petite, tu étais l’image même de ton père. Comment puis-je aimer le souvenir que je vois en toi ? Car je le vois lui, en toi et c’est mon tourment. Maintenant tu sais et tu peux comprendre que j’ai besoin de l’amour d’un homme pour apaiser ma rage et ma rancune; je veux redevenir une femme, je veux panser les fêlures de mon âme.”

Elisabeth-Marie lui répondit : “ Je ne t’en veux pas. Si tu crois que tes plaintes sont fondées, pourquoi n’es-tu pas retournée dans ta famille ?”

Stéphanie cria : “ Apprends que je n’ai pas eu de famille ! Le caractère de mon père et la tristesse de ma mère m’en ont toujours tenue éloignée. Comprends que ma vie ne m’a pas donné de vrai bonheur et que maintenant, je veuille le prendre moi-même. Je ne le vois que dans l’amour ! Pour oublier peut-être tout et tous.

Sa fille se leva, avec un geste d’adieu, lui dit : “Sois heureuse !” et sortit de la pièce.

(Ce dialogue, comme les autres qui suivent, est rapporté par Ghislaine Windisch-Graetz, dans son livre “L’Orpheline de Mayerling” – Editions Racine 1998)

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Château de Miramar près de Trieste

Le drame du mariage de Stéphanie est résumé dans ses paroles, et le caractère d’Erszi dans sa réponse.

Le 22 mars 1900, Stéphanie épousait Elemér après avoir dit adieu à Vienne et à tous les membres d’une famille qui ne l’avait jamais aimée et qu’elle n’avait jamais aimée non plus.

Le 8 mars 1900, l’empereur était venu à la gare saluer les deux archiduchesses, mère et fille,  avant leur départ pour Trieste.

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Stéphanie, comtesse Elémer Lonyayi

Le 21 mars, la veille du mariage Elisabeth-Marie quittait Miramar afin de ne pas rencontrer Elemér Lónyay.

Le couple s’installa au château d’Oroszvar en Slovaquie où il passa l’essentiel de sa vie. (http://www.noblesseetroyautes.com/le-destin-du-chateau-doroszvar/)

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Le château d’Oroszvar  en 1912

Le jour du mariage, l’empereur avait signé le décret de dissolution de la maison de l’archiduchesse Stéphanie et constitué celle d’Elisabeth-Marie, composée de la comtesse Coudenhove, grande-maitresse, du comte Bellegarde, grand-maître, de la comtesse Sidonie Chotek, dame d’honneur, du Dr Auchenthaler, médecin, de J.Riedl, secrétaire et enfin du comte R. Bellegarde officier.

Le 28 juin 1900, l’archiduc François-Ferdinand prêtait serment devant la famille impériale et la cour en déclarant que son mariage avec la comtesse Sophie Chotek serait morganatique. (Merci à Patrick Germain pour cette première partie. A suivre)

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Elisabeth-Marie et Stéphanie

A suivre…. Merci à Patrick Germain pour cette première partie.