Mercredi soir, les invités du dîner de gala en l’honneur du roi Charles III et de la reine Camilla auront droit à des intermèdes musicaux dans ce lieu unique où dominent l’or et le marbre.

Achevée en 1710, la chapelle palatiale de Versailles -ajoutée au château quelques années après l’installation du roi et de la Cour -est dédiée à Saint-Louis, ancêtre des rois de France et canonisé par l’Eglise catholique en 1297. Un chef-d’œuvre de l’art religieux. Construit pour un monarque de droit divin, « lieutenant de Dieu » sur terre.

Les travaux débutent en 1689. Sur ordre de Louis XIV. Sept ans après l’installation de la Cour au Château de Versailles, la chapelle précédente – édifiée à l’emplacement actuel du salon d’Hercule – s’avère trop exigüe. La première pierre vient tout juste d’être posée – le sable et l’argile sont encore humides – que, déjà, les ouvriers se voient contraints d’abandonner le chantier.

La France entre en guerre. Les conflits de la Ligue d’Augsbourg ne prennent fin qu’en 1697. Deux ans plus tard, c’est Jules Hardouin Mansart – déjà bâtisseur de la Petite et de la Grande Ecurie, de l’Orangerie, du Grand Trianon – qui reprend les travaux laissés à l’abandon. Mais les imprévus s’enchaînent !

Le premier architecte du roi et surintendant des bâtiments meurt le 11 mai 1708. La chapelle est toujours inachevée. C’est Robert de Cotte, son beau- frère et principal collaborateur, qui finira les travaux.

Cette lenteur commence à agacer le roi. L’échéance tombe. L’inauguration de la chapelle est arrêtée au 5 juin 1710. Peintres, sculpteurs, doreurs, vitriers, tailleurs de pierre, de marbre… travaillent jour et nuit.

Les sculpteurs les plus habiles, les plus reconnus, Frémin, Lemoyne, Poirier, Van Clève… apposent, tour à tour, leurs coups de marteaux sur la pierre blanche extraite des carrières de Créteil. Les pinceaux d’Antoine Coypel, Charles de La Fosse, Jean Jouvenet… se succèdent sous le plafond voûté, en forme de calotte et orné de médaillons.

La bénédiction a lieu en présence du roi, de toute la Cour et d’un défilé de prélats chamarrés d’or qui se confondent dans un nuage d’encens. Ruisselante d’une abondante lumière, l’intérieur de la chapelle – édifiée sur le modèle des chapelles palatines traditionnelles – se divise en deux étages. L’un réservé au roi, l’autre, celui du bas, à la Cour.

Au son des orgues dont le mécanisme rarissime et exceptionnel est signé Clicquot – après l’ouverture de la double porte aux serrures ciselées, le souverain et la famille royale prennent place dans la tribune principale, au-dessus de l’entrée. Les galeries latérales sont réservées aux princes royaux et principaux dignitaires.

Ce n’est que lors des grandes occasions que le roi descend dans la partie inférieure de l’édifice. Le rituel est immuable. Les mains croisées, la tête inclinée, il s’agenouille sur un prie-Dieu – au velours recouvert de fleurs de lys – face à l’autel en bronze doré, une petite merveille réalisée par Corneille van Clève.

Un mois et un jour après son inauguration, le 6 juillet 1710, la chapelle accueille le mariage du duc de Berry, fils du dauphin, avec Marie-Louise Elisabeth d’Orléans.

C’est le premier événement d’un ballet de cérémonies qui y seront orchestrées, avec fastes, jusqu’en 1789.

La chapelle sera également le théâtre d’événements plus sombres, mais célébrés avec autant de grandeur : les obsèques des membres de la famille royale. Les corps du dauphin, en 1711, du Duc et de la Duchesse de Bourgogne, emportés par la rougeole à une semaine d’intervalle, en 1712, de leur fils aîné Louis, Duc de Bretagne, qui succombe à l’épidémie trois semaines plus tard, du Duc de Berry, en 1714… seront exposés au pied des marches de l’autel, dans un halo de lumière blanche. « [Cette chapelle] offre de partout la triste représentation d’un catafalque », écrivait Saint-Simon, dans ses mémoires, au lendemain de sa bénédiction. Tristes présages…

Pour les invités de Charles et Camilla, en ce 20 septembre 2023, elle va briller d’un éclat tout particulier. (Merci à Bertrand Meyer)