Avec la disparition de l’archiduc Otto ce 4 juillet, c’est une page de l’Histoire de la famille impériale d’Autriche qui se ferme à jamais. Franz Josef, Otto, Robert, Maria, Anton, Karl, Max, Heinrich, Sixtus, Xavier, Félix, René, Ludwig, Gaetano, Pius, Ignazius d’Autriche voit le jour le 20 novembre 1912 à la villa Wartholz à Reichenau. Il est le premier enfant de l’archiduc Charles et de la princesse Zita de Bourbon-Parme, appelés un jour à succéder à l’empereur François Joseph après l’archiduc François-Ferdinand.

Le jeune Otto grandit au sein d’un foyer très heureux et uni et ce malgré les lourdes missions qui sont déjà confiés à son père l’archiduc Charles. Une sœur Adelaïde voit le jour le 3 janvier 1914 puis un frère Robert (père de l’archiduc Lorenz) le 8 février 1915 et Félix en mai 1916. L’assassinat de l’archiduc François Ferdinand à Sarajevo, bouleverse une nouvelle fois l’ordre de succession au trône impérial. Le jeune couple formé par Charles et Zita est plus vite que prévu appelé sur le devant de la scène.

Le décès en novembre 1916 de l’empereur François Joseph en pleine Première Guerre Mondiale fait d’ Otto alors âgé de 4 ans l’héritier d’un empire qui est pourtant en train de vivre ses derniers moments. On se souviendra de ce jeune enfant marchant aux côtés de ses parents lors des funérailles de l’empereur puis lors des cérémonies marquant l’accession au trône d’Autriche et de Hongrie de son père.

La fin de la guerre voit l’éclatement de l’empire austro-hongrois. Malgré des tentatives de reprendre le pouvoir et après avoir essayé de négocier une paix lors des hostilités, l’empereur Charles et sa famille sont définitivement contraints à l’exil. Entre temps, la famille s’est agrandie avec les naissances de Carl Ludwig en mars 1918, Rodolphe né à Prangins en Suisse le 5 septembre 1919 et Charlotte également née en Suisse en mars 1921.

La loi d’exil votée par le Parlement autrichien en 1919 a privé la famille impériale de ses prérogatives mais aussi de ses biens. L’empereur Charles et l’impératrice Zita avec leurs sept enfants dont l’archiduc Otto alors âgé de 9 ans, prennent le chemin de l’île de Madère.

L’empereur qui est âgé de 34 ans, épuisé par ces longs mois de guerre, tensions et tractations pour essayer de sauver et réformer la monarchie, prend froid. Il ne s’en remettra pas et décède à Funchal le 1 avril 1922 entouré des siens. Sa veuve l’impératrice Zita n’a que 29 ans et attend leur 8ème enfant. L’archiduc Otto qui se souviendra toute sa vie des longues conversations avec son père déjà très malade mais désormais si disponible pour les siens, devient le Chef de la Maison impériale alors qu’il n’a que 9 ans. Sa mère portera le deuil jusqu’à son propre décès.

La famille impériale poursuit alors son exil au gré des propositions de s’établir qui leur sont faites par les Cours européennes et par des proches. L’archiduchesse Elisabeth voit le jour le 31 mai 1922 à Madrid.

L’archiduc Otto et sa famille s’installent ensuite dans le Nord de l’Espagne à Lekeito qu’ils quittent en raison de la guerre civile pour s’établir en Belgique. L’archiduc Otto qui est polyglotte, suit les cours à l’Université catholique de Louvain. Il décroche un diplôme en sciences sociales et politiques.

La Deuxième Guerre Mondiale et son aversion ouvertement déclarée au régime de Hitler, l’obligent à quitter l’Europe pour le Canada, ensuite pour New York et Washington. A son retour en Europe, il vit à cheval entre la France et la Bavière. Le 10 mai 1951 à Nancy, capitale des ducs de Lorraine, l’archiduc Otto (qui porte aussi le titre de duc de Bar) épouse celle qui sera la compagne de toute sa vie la princesse Regina de Saxe-Meiningen et ce en présence de nombreux membres du Gotha.

L’archiduc Otto et l’archiduchesse Régina s’établissent à Pöcking en Bavière. Ils auront 7 enfants : Andrea née en 1953, Monika et Michaela nées en 1954, Gabriela née en 1956 à Luxembourg-Ville, Walburga née en 1958, Karl né en 1961 et Georg né en 1964.

En 1961, il renonce au trône d’Autriche, ce qui ne lui permet toutefois pas immédiatement de fouler à nouveau le sol autrichien. Fin des années 70, il prend la nationalité allemande et est élu au Parlement européen en tant que député allemand du parti de la CSU. Très actif dans l’hémicycle, il multiplie aussi les déplacements en Europe, donne des conférences et est l’auteur de plusieurs ouvrages et essais historiques et sur la construction européenne. Doyen de l’assemblée, il préside d’ailleurs à deux reprises des sessions du Parlement à Strasbourg.

Il est resté très proche de sa mère l’impératrice Zita et les mariages au sein de la famille impériale sont toujours des occasions pour revoir ses frères, sœurs et leurs familles installés dans différents endroits du globe.

En 1977, il marié sa première fille l’archiduchesse Andrea avec le comte Karl Eugen de Neipperg puis en 1981 sa fille l’archiduchesse Monica avec un Grand d’Espagne Luis Gonzaga de Casanova-Cardenas, duc de Santangelo.

Autorisé à rentrer en Autriche, il s’y rend régulièrement et notamment en 1989 lors des funérailles à Vienne pour sa mère l’impératrice Zita en la Crypte des Capucins. La même année, il se voit restituer son passeport hongrois et se voit même proposer de poser sa candidature pour l’élection présidentielle hongroise.

Sa fille cadette l’archiduchesse Walburga (aujourd’hui parlementaire suédoise) le seconde dans ses activités européennes et notamment au sein du mouvement Pan-Européen. L’archiduc Otto suit de près les bouleversements à l’Est et l’effondrement du Rideau de Fer puis la chute du Mur de Berlin.

C’est pour lui un grand moment d’émotion lorsqu’il marie sa fille l’archiduchesse Walburga en décembre 1992 à Budapest avec le comte suédois Archibald Douglas en présence de nombreux Hongrois.

Le 31 janvier 1993, son fils l’archiduc Karl épouse à Mariazell la baronne Francesca von Thyssen-Bornemisza, fille du riche collectionneur d’art et mécène le baron von Thyssen. La cérémonie est boudée par une grande partie de la famille impériale qui considère ce mariage de rang inégal pour l’héritier en vertu des dispositions de la famille impériale relatives au mariage, qui furent d’ailleurs modifiées par l’archiduc Otto.

L’archiduc Otto se rend aussi à plusieurs reprises en ex-Yougoslavie et notamment en Croatie, pays dont il parle également la langue. Son petit-fils l’archiduc Ferdinand Zvonimir, fils de l’archiduc Karl est baptisé à Zagreb.

Son fils cadet l’archiduc Georg se marie à son tour à Budapest en 1997 avec la duchesse Eilika d’Oldenburg. L’archiduc qui vit toujours en Hongrie avec sa famille, est très investi dans la vie politique et sociale du pays.

En 1999, il quitte le Parlement européen où il a siégé pendant 20 ans. En 2001, il revient à Nancy avec son épouse l’archiduchesse Regina et leurs enfants afin de célébrer leurs 50 ans de mariage.

En 2007, il confie les rênes de la famille impériale à son fils l’archiduc Karl. Retiré dans sa résidence de Pöcking, il assiste encore à quelques événements du Gotha. Il a le bonheur de voir que son père l’empereur Charles béatifié en 2004. Le décès de son épouse adorée l’archiduchesse Regina le 3 février 2010 est une très douloureuse épreuve pour lui.

L’archiduc Otto âgé de 98 ans s’est éteint à Pöcking en Bavière ce 4 juillet 2011. Il était grand-père à 22 reprises et arrière-grand-père à 2 reprises. Son frère l’archiduc Félix qui vit au Mexique est le dernier vivant de la fraterie. Il sera enterré dans la crypte des Capucins à Vienne avec son épouse (qui avait été inhumée en 2010 auprès de sa famille en attendant de rejoindre Vienne lors du décès de l’archiduc Otto). 4 requiems sont prévus : le 9 juillet à Pöcking, le 11 juillet à Munich, le 13 juillet à Mariazell et enfin le 16 juillet à Vienne. Conformément à la tradition de la famille impériale, son cœur sera quant à lui enterré en Hongrie à l’abbaye de Pannonhalma où repose déjà l’archiduchesse Stéphanie, veuve de l’archiduc Rodolphe, née princesse de Belgique.

Le petit archiduc qui marchait derrière la dépouille de l’empereur François Joseph dans les rues de Vienne, fermement agrippé à la main de sa mère et qui connut la fin des fastes de la Hofburg, puis la dureté de l’exil avant se s’investir pour une Europe où chaque culture aurait sa place, aurait dû connaître un autre destin mais les aléas de l’Histoire lui ont donné l’occasion d’y apporter sa contribution sous une autre forme. Otto d’Autriche a connu l’évolution de l’Europe probablement mieux que quiconque depuis la tragédie de Sarajevo à nos jours. Une page se tourne définitivement… (merci à Michèle pour les photos – Copyright photos : Dpa & DR)