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Souvenir de l’incorporation du Prince des Asturies dans le 1er Régiment d’Infanterie dit du Roi (28 Mai 1977)

Voici un article sur la formation militaire des princes de la maison de Bourbon réalisé par Jul. Dans notre République démocratique, les Français ont maintenu le Président dans la fonction de Chef des armées, comme au temps des nos Rois.

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Les Rois de France ont construit l’Etat et ont hissé notre Nation au premier rang des puissances européennes. Si les Arts, les sciences et techniques (agriculture, artisanat et industrie manufacturière) furent pour beaucoup dans l’éclat de notre pays en Europe et dans le monde, c’est avec la force de ses armées que Louis XIV a garanti l’indépendance de la France, repoussé les frontières plus loin que jamais aucun de ses prédécesseurs ne l’avait fait, éloignant d’autant la menace de ses voisins. Sommet de sa gloire, La Maison de France, héritière de Charles II d’Espagne et des Farnèse, a placé ses agnats sur les trônes de Madrid, de Naples et de Parme.

Parallèlement aux officiers méritants qu’ils surent distinguer et élever, nos Rois,  chefs des armées, intégrèrent leurs fils, frères et cousins dans le dispositif militaire de la Monarchie absolue puis constitutionnelle, ne se contentant pas de leur attribuer des charges honorifiques mais leur faisant connaître la réalité du métier des armes, afin que leurs successeurs soient assez préparés, leur permettre de les seconder dans les nombreux actes officiels et encourager les troupes par leur présence.

Dans cet aperçu non exhaustif, je vous propose de découvrir comment les Princes de notre Maison multinationale ont été associés par les Rois aux institutions militaires, comment leurs carrières ont été lancées et décidées.

A son unique fils légitime, Louis XIV avait créé et donné un régiment d’infanterie (Dauphin-Infanterie) et plusieurs de cavalerie. Le Roi le nomma, à vingt-sept ans, Généralissime de ses armées lors de la Campagne d’Allemagne (conquête du Palatinat) dans laquelle il s’illustra. Il commanda ensuite l’Armée lors de l’invasion du Hainaut (1691) de la Flandre en 1693 puis 1708-1709.

Au Duc de Bourgogne, ainé de ses petits-fils, Louis Le Grand acheta le Régiment de cavalerie de la Roche-sur-Yon (1685). Le jeune colonel de trois ans reçut encore, comme son père avant lui, une compagnie de chevau-légers et une autre de gendarmes. Toutes ses unités furent mises sous son nom (de Bourgogne).  Le monarque le fit général de l’Armée d’Allemagne (1701) puis de l’Armée du Rhin (1703) puis celle des frontières d’Italie  (1707).

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Son frère le Roi d’Espagne l’avait en outre nommé Généralissime des armées espagnoles en Flandre pour repousser les Hollandais (1702).

Notre Roi Louis XV avait retenu la leçon et les exemples de ses aïeux. Dirigeant l’armée lors de la Campagne de Flandre de 1745 (Guerre de Succession d’Autriche) au cours de laquelle Fontenoy fut une belle victoire sur les Anglais et les Hollandais, il avait emmené avec lui son précieux Dauphin, âgé de quinze ans pour le confronter à la réalité des batailles et des sièges.

Sur le tableau de Pierre Lenfant, on distingue au premier plan le monarque (habit gris) et derrière lui en habit rouge le jeune Louis.

Dans le second plan, une voiture légère en osier transporte le Maréchal de Saxe, qui, atteint d’une crise de goutte, ne put diriger les assauts à cheval.

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Devant les soldats tombés, le Bien aimé dît à son fils : « Voyez ce qu’il en coûte à un bon cœur de remporter des victoires. Le sang de nos ennemis est toujours le sang des hommes. La vraie gloire est de l’épargner. »

Il ne fait pas de doute que si le Duc de Bourgogne ou le Dauphin, frère et fils aînés de Louis XVI avaient vécu plus longtemps, ils auraient été très jeunes confrontés aux réalités de l’Armée.

Les Bourbons, Fils aînés de l’Eglise, qui avaient souvent réussi à accomplir le commandement de l’Eternel « Reproduisez vous, devenez nombreux, remplissez la terre » (Genèse 1, 28), furent confrontés à l’épineux problème de l’établissement de leurs fils, frères et cousins qui n’étaient pas immédiatement destinés à régner. Le Roi Henri IV a donné le ton en la matière.

Des deux fils que lui avait donnés la Duchesse de Beaufort (Gabrielle d’Estrées),  seul César Monsieur avait été destiné à faire souche. Pour sceller la paix avec la Maison de Lorraine, fer de lance de la Ligue, Henri IV maria son premier né à Françoise de Lorraine, fille unique et donc héritière du Duc de Mercoeur et de la Duchesse de Penthièvre et Princesse de Martigues. Entré dans la carrière des armes par la volonté paternelle, le Duc de Vendôme fut  nommé de surcroît Surintendant général de la Navigation, charge qu’il remplit en personne lors de combats navals au large de Barcelone.

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Le second, Alexandre Monsieur, avait été destiné à l’Ordre de Saint-Jean (Malte) dont les galères combattaient en Mer Méditerranée. Il fut reçu chevalier en 1604 et son père lui donna le Prieuré de Toulouse. En 1618 il fut élu Grand Prieur de France, bénéfice considérable par les revenus des commanderies qui y étaient attachées.

Le Roi avait décidé que le troisième, nommé Henri (né de la Marquise de Verneuil Catherine Henriette de Balzac) serait ecclésiastique. Il reçut de son père pas moins de huit abbayes et en 1608, l’évêché de Metz. Il en alla de même pour le cadet, Antoine (fils de la Comtesse de Moret, Jacqueline de Bueil). Le Vert Galant lui donna plusieurs abbayes, mais quoiqu’abbé, il servit dans l’Armée.

La répartition qu’Henri IV opéra entre ses fils légitimés particulièrement, a fait école.

Louis XIV s’en inspira. Pour M. le Comte de Vermandois, né de ses amours avec la Duchesse de La Vallière, il recréa la charge d’Amiral de France (remplaçant celle de Surintendant général de la Navigation citée précédemment).

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Au Duc du Maine, il donna le commandement des Gardes suisses et grisons, le laissa servir plusieurs fois dans la cavalerie sous les ordres du Dauphin dans le Palatinat et en Flandre. Son père lui donna encore la charge de Grand Maître de l’Artillerie.

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Le frère suivant le Comte de Vexin, destiné à l’Eglise à sa naissance était pourvu de l’Abbaye de Saint-Germain-des-Prés.

Le cadet (le Comte de Toulouse) succéda à son demi-frère à la tête de l’Amirauté française. Nommé également Grand Amiral des vaisseaux et galères de la Couronne d’Espagne  par son neveu Philippe V (1702), M. le Comte de Toulouse commanda l’expédition de Sicile et réussît à imposer la suzeraineté du Roi à Messine et Palerme.  En 1706, il commanda la flotte à Barcelone.

Devenu le tuteur de ses petits-fils orphelins, le Bien aîmé donna au Comte de Provence le Régiment royal des Carabiniers (1758) et au Comte d’Artois le commandement général des Suisses et Grisons (1771). Séjournant à Madrid auprès de son parrain le Roi d’Espagne en Juillet 1782, Louis XVI permit à son jeune frère de participer au siège de Gibraltar pour le compte de l’Espagne en Novembre de cette même année.

Le Comte d’Artois était devenu père de famille avant ses dix-huit ans (1775), augmentant la Maison de Bourbon et son rameau d’Artois d’un jeune prince (le Duc d’Angoulême). La mort du Prince de Conti (Louis François de Bourbon) tomba à point nommé et permit d’assurer l’établissement du nourrisson : Louis XVI lui donna le Grand Prieuré de France que laissait le défunt.

Louis Antoine d’Artois, Duc d’Angoulême portant les décorations de chevalier de l’Ordre du Saint Esprit et de Grand Prieur de l’Ordre de Saint Jean (1776).

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La carrière dans l’Ordre de Malte se doublait souvent d’une carrière dans les Armées navales du Roi. On songea donc très tôt pour le jeune Louis à la charge d’Amiral de France, qui serait disponible après le Duc de Penthièvre. D’autant plus que l’enfant aimait étudier, avait de la curiosité pour les sciences et techniques. (On l’ignore souvent mais le Duc d’Angoulême, alors âgé de six ans, avait accordé son patronage à la Manufacture de céramique de Guerhard et Dihl à Paris, probablement après une visite des ateliers de productions de figurines, bustes, médaillons et vases avec ses maîtres)

En Juin 1789, désormais fiancé à sa cousine, fille du Roi, le jeune prince résigna le Grand prieuré en faveur de son frère (né en 1778), car il fallait être célibataire ou veuf pour tenir cette charge.

Une carrière dans la Cavalerie convenait mieux au petit Duc de Berry, plus fougueux, qui avait besoin d’action et avait parfois du mal à se concentrer sur ses leçons et exercices, quoiqu’il s’intéressât vivement à la musique, au théâtre et aux arts.

Reçus à l’école d’Artillerie de Turin sur ordre de leur bien aimé grand-père le Roi de Sardaigne Victor Amédée III au début de leur émigration, les deux jeunes princes s’appliquèrent dans leurs exercices et acquirent leurs premiers galons pour la plus grande fierté de M. le Comte d’Artois.

Toute leur vie, ils furent très unis à leur père et à leur oncle, devenu le Roi Louis XVIII.

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De retour en France après les années de la Révolution et de l’Empire, Louis XVIII partagea entre ses deux neveux, derniers princes de leur génération dans la branche aînée, les plus hautes charges de l’armée : Amiral de France, Colonel général de l’Artillerie et des Dragons pour le premier ; Colonel général des chevau-légers et des Chasseurs pour le second.

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Le Duc d’Angoulême (plus tard Dauphin) s’illustra comme général de l’armée française lors de la campagne d’Espagne (1823), dont la prise du fort de Trocadero, près de Cadix fut le couronnement.

XIR307596 Duke of Angouleme at the capture of Trocadero, 31st August 1823, 1828 (oil on canvas) by Delaroche, Hippolyte (Paul) (1797-1856); Chateau de Versailles, France; (add. info.: Le Duc d'Angouleme a la prise du Trocadero; Louis-Antoine of France (1775-1844) Dauphin of France and Duke of Angouleme; Spanish Civil War 1820-23); Giraudon; French, out of copyright

« Enjamber d’un pas les Espagnes, réussir là où Bonaparte avait échoué, triompher sur ce même sol où les armes de l’homme fantastique avaient eu des revers, faire en six mois ce qu’il n’avait pu faire en sept ans, c’était un véritable prodige ! » écrivit Chateaubriand dans les Mémoires d’outre-tombe.

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Rapprochons-nous maintenant et faisons halte au début du XXème siècle. Le Roi Alphonse XIII avait quatre fils, le Prince des Asturies (Alphonse) suivi des Infants Jacques, Jean et Gonzalve. Le premier fut incorporé très jeune dans le prestigieux 1er Régiment d’Infanterie ; le souverain fit entrer le second dans l’Artillerie (sa surdité n’interdisant pas et facilitant peut-être même cette orientation vers cette arme) ; le troisième, destiné à la Marine entra comme cadet à l’école navale de Saint Ferdinand près de Cadix (1930) et le quatrième également à l’Infanterie.

Le Comte de Barcelone sera nommé Amiral honoraire par son fils le Roi en 1978 puis même élevé au grade de Capitaine général de la Marine (1992).

20L’Infant Jacques (depuis Duc d’Anjou et de Ségovie)

Le Roi Alphonse n’avait rien inventé. Comme nous l’avons vu dans la branche précédente, les premiers princes de leur génération étaient en général destinés en général à l’Armée de terre, le 3ème ou le 4ème à la Marine.

Après avoir servi le Duc de Madrid (Charles VII) dans l’artillerie carliste, Alphonse de Bourbon, Comte de Caserte (debout à gauche de la photo suivante), sollicita la Reine Marie Christine, Régente pour son fils pour faire donner l’instruction militaire à laquelle il aspirait pour six de ses sept fils (1891).

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Charles VII, le Comte de Caserte, le Duc de Parme et le Comte de Bardi.

Disposée à la réconciliation, la Reine le reçut à Madrid pour envisager la question. Voici les affectations qui furent accordées aux fils de M. le Comte de Caserte :

  1. Ferdinand, l’aîné, fut admis dans l’Artillerie, dans la continuité de ce que le Roi Ferdinand II des Deux-Siciles avait décidé jadis pour son quatrième fils. Appelé Duc de Calabre quand le Prince Alphonse succéda au Roi François II (1895), il continua de servir l’Espagne et avec son Régiment participa aux Campagnes de Cuba et du Maroc
  2. Charles fut reçu dans le Régiment des Hussards dit de la Princesse. Pour sécuriser l’avenir de la Monarchie et la conserver dans la Maison de Bourbon, la Princesse des Asturies le choisît pour époux. Le Roi promut son beau-frère Inspecteur général de l’Armée (1930). Les deux cousins, devenus frères furent les deux grands pères communs du Roi Juan Carlos (ils avaient marié leurs enfants
  3. Janvier intégra la Marine. Il atteignit le grade de Capitaine de vaisseau
  4. Rainier, quoique Français depuis sa majorité (1904) servait comme son frère Charles dans les Hussards en Espagne. En 1930, il était même nommé capitaine honoraire de l’Ecole d’équitation militaire
  5. Philippe, aussi aux Hussards de la Princesse
  6. et le cadet Gabriel également admis à l’Ecole militaire de cavalerie termina sa carrière comme Capitaine au 6ème Régiment de Lanciers.

 

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Autour de l’Infante Isabelle, trônant avec la majesté qu’on lui connait au centre de sa famille, on reconnait en uniformes sombres, le Roi Alphonse, l’Infant Charles et son frère Rainier de Bourbon, alors jeune officier de cavalerie.

Avec les progrès des sciences et techniques, au début du XXème siècle, l’Armée de l’air prit son essor dans les Nations sur lesquelles avaient régné nos Princes.

L’aîné des Bourbons, le Prince Alphonse (depuis Duc d’Anjou et de Cadix), de retour en Espagne dans les années 1950, la choisit pour effectuer son service militaire. Son fils, le Prince Louis, également.

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Dans la continuité du lien entre la Défense et l’Histoire de France, la Marine nationale avait invité le Prince aux festivités du lancement du Porte-avion Charles-de-Gaulle à Brest (1994). Officier de réserve de la Marine française (il avait participé à des exercices en 1997 à Toulon), le Duc d’Anjou a visité la base navale de Lorient où s’entraînent les fusiliers marins lors de sa visite dans le Morbihan en Mai 2015.

http://www.letelegramme.fr/bretagne/louis-de-bourbon-seul-heritier-des-rois-29-05-2015-10645145.php

Voyons à présent certains choix opérés chez les Princes de la branche cadette.

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Henri et Antoine d’Orléans, Ducs d’Aumale et de Montpensier  auprès de leur mère Marie Amélie de Bourbon.

Les faits d’armes en Algérie du Duc d’Aumale sont bien connus.

Ses frères débutèrent également très tôt au service des armées du Roi.

Ferdinand suivait les traces de leur père, que Louis XVIII avait fait Colonel général des Hussards, Louis dans les Chasseurs, François dans la Marine et le cadet Antoine dans l’Artillerie.

La lecture d’une biographie m’avait laissé penser que leur frère Charles, dont la santé était délicate et qui mourut à l’âge de 8 ans, était destiné à une carrière ecclésiastique mais le tableau ci-dessous suggère plutôt une orientation dans l’armée Peut-être ne faut-il pas trop interpréter les accessoires des trois petits Orléans sur ce tableau, des jouets dans l’esprit de l’époque.

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Charles d’Orléans, Duc de Penthièvre (à gauche) et ses frères Henri et Antoine, Ducs d’Aumale et de Montpensier

Cette orientation était devenue rare dans la Maison de Bourbon. Un des derniers avait été l’Infant Louis, fils cadet du Roi Philippe V, Archevêque de Tolède et Cardinal à un âge très précoce (8 ans !).

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A la génération suivante, M. le Duc de Nemours, comme le Comte de Caserte le fera également, sollicita ses aînés établis sur le trône d’Espagne, pour la formation militaire de ses fils Gaston (1842-1922) et Ferdinand (1844-1910). Les souverains espagnols (Isabelle II et François Ier) les firent recevoir dans le Régiment des Hussards de la Princesse dont ils avaient confié le commandement à leur cousin et gendre l’Infant Gaétan de Bourbon, Comte d’Agrigente fils du Roi des Deux-Siciles.

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Le penchant pour la Cavalerie de cette branche s’est maintenue jusqu’à nos jours. Henri d’Orléans a servi dans le 5ème Régiment de Hussards et son fils Jean dans le 7ème Régiment de Chasseurs. Eudes d’Orléans a quant à lui effectué son service à l’école de cavalerie de Saumur. (Merci à Jul pour ce reportage)